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Pointe du Raz *** Beg ar Raz
Jacques CAMBRY : Voyage dans le Finistère.
1796-1799 :
(Texte respecté dans son écriture originelle). page 285 : "La pointe du Raz est élevée de trois cents pieds; de sa hauteur on voit la mer, avec effroi, saper les fondemens de ce roc dépouillé; les vagues poussées par un vent de Nord-Ouest, se déploient avec une force, une puissance qu'il est impossible de calculer, le plus intrépide matelot ne passe jamais sans implorer la pitié du Très-Haut, devant la baie des Trépassés, dont le nom lui rappelle les millions d'hommes qu'elle a dévorés et qu'elle engloutit tous les jours. Que sont les tourbillons de Carybde et Scylla , déterminés par des rochers presque invisibles, si vous les comparez au théâtre gigantesque , immense , qu'ici vous avez sous les yeux. La vue de la pointe du Raz est sublime , surtout au coucher du soleil; l'île de Sein, le prolongement des rochers qui la défendent, qui se perdent à l'horizon, à plus de sept lieues de distance; la pointe de la Chèvre élevée, d'un blanc éblouissant, la côte de Brest près du Conquet, Ouessant, le bassin d'Audierne, la pointe de Penmarc'h et la mer immense, agitée par les vents du soir, forment un spectacle sans bornes qui ne se lie qu'avec le Ciel, l'Univers et l'Eternité. C'est sur cet angle de la terre, célèbre par le voisinage des prêtresses gauloises, de l'île de Sein, par le séjour des vieux Druides, par les idées de destruction , des trépassés, des ombres dont nous trouvons encore les traces, c'est là, dis-je, que l'imagination des anciens plaça les bouches de l'enfer, les gouffres du Ténare que par erreur on transporta dans l'Italie, que la Grèce ignorante a vingt fois confondu avec l'Occident de l'Europe. Est locus extremum pandit quo gallia liltus Oceani praetentus aquis , quo fcrlur Ulisses Sanguine libato populum movisse silentum. lllic umbrarum tenui stridore volantum, Flebilis anditur quaestus, simulacra coloni Pallida, defunctasque vident migrare figuras; Hinc dea prosiliit, phaebique egressa serenos Infecit radios, ululatuque aethera rupit Terrifico, sensit ferale Britannia murmur, Et senonum quatit arma fragor, revolutaque Thetis Substitit et rhenus projecta torpuit unda. CLAUDIAN , in Ruf Voilà la véritable place des sombres rêveries consignées dans les plus anciens écrivains, c'est de cette Bretagne, c'est de ce point que parlent leurs écrits. Ce n'est ni dans l'Islande, ni dans Thulé, ni dans l'Angleterre inconnue des Gaulois eux-mêmes, pratiquée par les seuls Bretons armoricains, ni dans l'Irlande qu'il faut placer le théâtre de ces merveilles. Les Sénés gauloises, la baie des Trépassés, l'enfer de Plogoff, la tradition, les cris des morts et des noyés qu'on croit encore entendre dans l'île de Sein, cette multitude de pierres druidiques, d'aiguilles élevées, consacrées au génie du soleil par la piété de nos pères. Ces monumens de Douarnenez, de Penmarc'h, de Clohars-Carnoet, de Carnac, de la côte de Vannes; ces prophêtesses Samnites des îles de la Loire, le souvenir des villes englouties, de terres abîmées dans les ondes; tout nous rappelle clans ces lieux à ces événemens extraordinaires, à ces bouleversemens, à ces ravages des tems qui marquent éternellement dans le souvenir, qui sont en tête de toutes les histoires, que les colonies, les nomades et les conquérans portèrent sur tous les points de l'Univers. C'est ainsi qu'on trouve les mêmes faits, les mêmes événemens, les mêmes déluges, avec les mêmes circonstances dans la baie de Douarnenez, en Grèce, en Arménie, près d'Albano, dans le lac de Grandlieu, dans l'Amérique, dans la Judée, dans l'Atlantide; c'est ainsi qu'un seul fait a donné lieu, sans doute, aux contes de Noé, de Xixutrus, d'Ogygès, de Deucalion , du roi Gralon , etc., etc., etc. C'est là qu'on doit placer la fable rapportée par Tzetzés, ( in odis ) transportée par erreur de nom , dans l'île de Bretagne. On assure que de là , les âmes étaient portées dans une île, espèce d'Elysée, par des pêcheurs qu'un génie réveillait. Ces pêcheurs trouvaient sur le rivage un bateau prêt, cédant au poids des êtres invisibles qu'il portait; ils le dirigeaient vers l'île des ombres où des êtres, qu'ils ne pouvaient voir, comptaient , interrogeaient les morts, permettant aux pêcheurs de retourner dans leurs foyers. Avant que les Gaules et l'Angleterre fussent bien connus des Romains, toutes les plages, toutes les îles du nord et de l'occident se confondaient dans la tète des Grecs; de là, ces erreurs grossières par lesquelles ils prennent l'Espagne pour une ville, la Vistule pour l'Eridan, par lesquelles ils confondaient des îles Electrides avec les îles Cassitérides, le Rhône avec l'Eridan. De là les erreurs des plus grands hommes; d'Aristote qui faisait toucher Cadix aux terres de l'Inde; de Strabon qui place les sources du Danube dans la Bohême; d'Eschyle qui fait couler l'Eridan dans l'Espagne. Le nom de Thulé qu'on donne à cette île merveilleuse, ne doit point détruire mon assertion; ni les anciens ni les modernes n'ont pu fixer la place de Thulé; et les matelots de nos côtes, Pierre-le-Breton, marinier, de Lorient, entr'autres , attestent que de tout tems leurs pères leur ont fait connaître l'île d'Ouessant sous le nom de Thule, qu'ils lui donnent encore dans leurs contes et dans leurs chansons". *********** L'auteur passe ensuite à l'île de Sein. |
ii La Bretagne contemporaine. Félix Benoist. 1865 Carte postale. Auteur et éditeur anonyme. Collection personnelle JC Even. |
Sources :
* Jacques CAMBRY : Voyage dans le Finistère. 1796-1799. Coop Breizh. 1993. |
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