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* A. Chaboseau : Histoire de la Bretagne, avant le 13è siècle. Editions La Bonne Idée. Paris. 1926

pages 86-87 :

" En Grande-Bretagne, ou du moins dans la portion de cette île où Rome était maîtresse, la situation politique et administrative ressemblait à celle où se trouvent aujourd'hui le Maroc, la Tunisie, le Cambodge, l'Annam, le Laos. Le pouvoir nominal était détenu par un roi indigène, auprès de qui, et un peu au-dessus - un gouverneur représentait l'Empire.

Gratien avait nommé à ce poste éminent un sien ami et coreligionnaire, Maxime — que l'on devait plus tard déclarer Magnus et Clémens — un compatriote et ami également de Théodose. Le roi s'appelait Octave. Il faisait gérer le pays de Galles par son frère Dionote. Leur puîné, Caradoc, s'occupait de la Cornwall, et avait pour fils Conan Murdoc'h (Mériadec).

Maxime, en 381, épousa la fille d'Octave, qui n'avait pas d'autre enfant, et bientôt l'on apprit que le vieux monarque voulait, soit léguer le trône à son gendre, soit même abdiquer au profit de celui-ci.

Dionote et Caradoc se concertèrent, et naturellement furent d'accord pour estimer qu'une action quelconque mais immédiate s'imposait. Il fallait à tout prix empêcher la réalisation d'un projet où leurs droits étaient sacrifiés, et qui, en outre, tendait à installer une dynastie étrangère. Il restait à combiner les voies et moyens, et ce n'était pas commode. S'attaquer à Maxime, c'était achever de s'aliéner Octave et principalement c'était s'en prendre à l'Empire, qui demeurait puissant, ou paraissait l'être encore.

Conan, pendant que délibéraient son père et son oncle, se mit à parcourir les régions de l'archipel où les Romains n'avaient jamais réussi à pénétrer, et où l'on éprouvait pour eux le plus de haine : l'Hibernie et la Calédonie. Les volontaires y affluèrent autour de lui, il revint en Cornwall avec une petite armée d'Irlandais, de Pictes et de Scots.

Maxime était pieux et, d'autre part, ce n'était pas un ambitieux vulgaire. Il lui répugnait de conquérir le pouvoir par une guerre quasi-fratricide, et il aspirait à bien davantage que la couronne de Grande-Bretagne. Il manda Sylvius Bonus, un Latin qui avait été le précepteur de Conan, et il le chargea de négocier pour lui avec les trois mécontents.

Le premier résultat fut que les légions cantonnées en Grande-Bretagne se révoltèrent contre Gratien et proclamèrent empereur Maxime. Puis celui-ci promit de veiller à ce que Dionote succédât à Octave et qu'en même temps Caradoc remplaçât Dionote dans le pays de Galles. Enfin, il s'engageait à nommer  Conan gouverneur de l'Armorique, dès qu'avec son aide il se serait emparé des Gaules.

Il passa la Manche avec des troupes dont l'effectif était probablement inférieur à vingt mille hommes, y compris les douze mille Hiberniens, Calédoniens el Gallois que commandait le fils de Caradoc. Des historiens qui n'ont jamais vu la côte léonaise, qui en ignorent même une carte si peu détaillée que ce soit, prétendent, les uns, que l'on atterrit à Oecismor, les autres, à Morlaix. Dans les deux cas, l'impossibilité matérielle crève les yeux, étant donné la configuration du littoral et de tout ce qui émerge dans son voisinage, les modifications auxquelles le soumettent le flux et le reflux, et ce qu'étaient les bateaux à cette époque. D'ailleurs, comment débarquer directement dans un port encore insoumis ? Maxime et Conan n'ont pu aborder que là où est situé à présent Roscoff (383).

Les Armoricains les accueillirent avec enthousiasme, d'abord dans Ocismor, ensuite dans Morlaix. La légion éparpillée sur la côte septentrionale de la péninsule, et dont l'esprit avait dû se délatiniser en ces parages, se rallia, cohorte après cohorte, aux envahisseurs, à mesure qu'ils avançaient vers l'est.

Gratien était à Trêves. Il courut à Lyon pour y rassembler les troupes en le loyalisme desquelles il avait le plus d'espoir, celles qui occupaient les trois provinces moins gallo-romaines que romano-gauloises, la Viennoise et les deux Narbonnaises, et Jubald, préfet des Gaules, pensa qu'il ne devait pas laisser au danger le temps de grandir. Il gagna l'Armorique à marches forcées, avec vingt mille Belges et Germains. Il rencontra Maxime quand celui-ci, après avoir franchi la Rance, venait de s'assurer d'Aleth. La bataille fut brève, le quart de l'armée de Jubald ayant, presque dès le début, passé à l'ennemi. Le préfet se fit bravement tuer, pendant que ses Germains se débandaient.

Maxime s'empressa d'attaquer Rennes, que, sous les ordres de Sulpicius, défendirent en vain, la cohorte et les Francs lètes de l'endroit. Puis, continuant à se renforcer, d'étape en étape, grâce à l'adhésion des garnisons et au soulèvement des populations, il alla s'emparer de Nantes. Après quoi, il chargea Conan d'achever l'occupation de l'Ouest et se porta au devant de Gratien. Il emmenait quarante mille hommes.

Gratien était retourné à Trêves pour y enrégimenter des Barbares que l'on recrutait pour lui sur la rive droite du Rhin. Il comptait descendre avec eux vers Orléans, où les légions groupées à Lyon avaient l'ordre de le rejoindre. Elles manquèrent au rendez-vous. Elles ne quittèrent même pas Lyon.

Maxime traversa Orléans, et atteignit son rival, ou plutôt son maître de la veille, au confluent de la Marne et de la Seine. Il n'y eut pas la moindre lutte, la quasi-totalité du contingent venu de Trêves s'étant ralliée au nouvel empereur dès qu'elle en eut aperçu les enseignes.

Le malheureux Gratien s'enfuit avec trois cents cavaliers. Chaque ville refusait de l'accueillir, et Andragathios, général en chef de la cavalerie maximiste, le poursuivait avec quelques escadrons gaulois et belges. Il fut tué un peu avant d'avoir pu arriver à Lyon (25 août). En fait, dans cette capitale, tout était déjà insurgé. Sur les trois hommes investis par lui de l'administration civile ou du commandement des troupes, celles-ci en avaient égorgé deux, Macedonius et le franc Merobald, et le dernier, Vallio, un Franc également, s'était suicidé.

La Gaule entière se soumit au vainqueur, et bientôt les légions d'Espagne se prononcèrent en sa faveur. Il fit à Lyon une entrée solennelle et y proclama son fils Victor, au prénom de qui, pour la circonstance, il crut bon d'ajouter celui de Flavius, cher alors à toutes les oreilles latines".

...

Critiques du texte.

1. On ne connaît pas le ou les port(s) de départ de l'expédition de Maxime, en G. Bretagne.

2. On ne connaît pas les trajectoires maritimes.

3. On n'a pas le nom du lieu de débarquement.

4. Selon l'auteur, il est impossible à une expédition navale de cette époque de débarquer dans le Léon (c'est à dire à l'ouest, y compris en particulier le Conquet, l'Aber-Wrac'h, l'Aber Iltud etc ...).

5. On donne Roscoff comme lieu de débarquement. Mais on ne dit pas s'il y avait des Francs installés là auparavant.

6. On place sur la Rance la confrontation entre les armées de Maxime et du Franc Jubault, c'est à dire à partir du moment où l'armée de Maxime touche les limites de la civitas des Rhiedones, officiellement dotée d'une unité franque.

La logique du propos : on peut atteindre Rennes après cette bataille, puisqu'il faut absolument faire référence à des francs. Voir à ce sujet le commentaire d' A.Marie Rouanet-Liesenfelt.

7. Après la prise de Rennes, on s'empare de Nantes. C'est la base de l'argument ultra-nationaliste breton, qui veut que la Petite Bretagne actuelle ait été donnée, de Brest à Varades, par Maxime, à Conan, dès son débarquement en Gaules.

------- à suivre.