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Pythéas

PYTHEAS DE MARSEILLE, géographe, mathématicien, voyageur, cosmographe, vécut au IVe siècle avant Jésus-Christ. Il fut un contemporain d'Aristote et d'Alexandre-le-Grand dans cette « belle époque » où la pensée scientifique et philosophique était à son apogée dans le monde grec.

On lui doit la détermination par le rapport entre l'ombre du gnomon vertical et la hauteur de celui-ci de la distance équatoriale de Marseille à quelques mètres près, celle du pays de Kent et celle du cercle polaire. Pour vérifier ses calculs il entreprit son voyage « Autour de l'Océan » qui eut pour conséquence de faire connaître au Monde antique l'actuelle Angleterre, la lointaine Thulé qui est certainement notre Islande, les abords de la banquise et la Scandinavie.

Sa relation fut perdue probablement dans l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie mais il nous en reste des fragments recueillis par Andréas Arvedson d'Upsal, en 1854, qui proviennent de ses détracteurs dont le plus important fut Strabon qui le traite constamment de menteur

Ferdinand LALLEMAND, par des recoupements avec les résultats des fouilles de Marseille et les textes anciens, après avoir refait deux fois le voyage de Pythéas, nous livre la reconstitution de ce journal de bord : autour de l'océan. Cette nouvelle édition se place après un récent voyage d'études en Islande et les nouvelles fouilles du port antique de Marseille et après les journaux de bord de Maarkos Sestios et de Hannon le Carthaginois reconstitués aussi par cet archéologue-écrivain.

 

PREFACE


Une plaque bleue, au coin d'une des rues qui débouchent sur le Vieux-Port de Marseille, évoque ce prestigieux navigateur. Sa statue, un peu ridicule et un peu anachronique, romantique aussi, se dresse dans une niche sur le côté droit du Palais de la Bourse. Elle fait pendant, comme sur une cheminée de la Belle Époque, à celle de son ami Euthymène, tout aussi barbu et énergique. 

Le bateau-pompe des marins-pompiers a été baptisé Pythéas. Il veille à la sécurité des grands paquebots des Nouveaux Ports.

Il fut même question, il y a quelques années, de baptiser un nouvel établissement scolaire de Marseille « Lycée Pythéas » mais Saint-Exupéry lui fut préféré alors qu'on avait donné le nom de ce prestigieux aviateur-écrivain au lycée de Saint-Raphaël.

Mon maître et ami Gaston Broche, professeur à l'Université de Gênes, était un passionné de Pythéas. Il s'insurgeait contre l'indifférence des bourgeois marseillais qui ne voyaient en Pythéas qu'un vocable de rue un peu bizarre et prêtant à des plaisanteries en provençal. Il lui consacra une thèse remarquable.

Je me souviens de nombreuses conversations que j'eus avec lui en revenant d'un voyage sur les traces de Pythéas, vers les Fâr-Oer, l'Islande et l'océan Arctique, où je rencontrai le docteur Charcot au cours d'un déjeuner en rade de Thorshavn. Cet autre découvreur pacifique devait disparaître l'année suivante en abîmant son Pourquoi-Pas? sur les roches d'un cap de l'Islande qui avaient peut-être vu passer le pentécontor de Pythéas.

Les Marseillais ignorent Pythéas. On n'en parle pas dans les écoles, alors que les manuels d'Histoire en usage aux États-Unis le citent comme le seul homme célèbre de Marseille.

L'archéologie découvre les contacts des peuples du Nord avec le monde hellène, et une civilisation celtique pré-romaine se révèle de jour en jour. On ne s'étonne plus comme les légionnaires de César des écritures en lettres grecques des soldats d'Arioviste.

Pendant les premières années de ce siècle, des archéologues allemands trouvent des monnaies grecques archaïques sur les bords de la Baltique. Les ressemblances troublantes entre les jarres celtiques et les pithos de la fin de l'âge de bronze crétois ne surprennent bientôt plus personne.

Les très belles fouilles que le professeur Martin Almagro a entreprises depuis plus de trente ans à Ampurias montrent parallèlement l'extension du monde massaliète vers l'Ibérie.

En 1942, les Allemands mirent à nu tout le quartier du Vieux-Port et les fouilles devinrent possibles. Dès la fin des hostilités les tranchées de la Reconstruction mirent à jour des vestiges grecs et romains. Chargé de la surveillance archéologique par la Direction des Antiquités, je vis exhumer des céramiques que Pythéas avait pu toucher; des clous de cuivre et des placages de plomb me signalèrent l'emplacement des chantiers navals et, sur ce qu'on a appelé la plage grecque, près de la fontaine de l'Agora, les pieux des estocades laissèrent à mon imagination le soin de « voir » la nef du découvreur amarrée là avant de partir pour ses essais et son merveilleux voyage. Quelques gradins du théâtre grec, un chapiteau ionien du temps d'Artémis, les innombrables tessons à figures, des lampes, des coupes, tout contribua à me livrer le personnage et son temps.

***

Les escales, les chemins, les buts se font jour.

L'ambre de la Baltique et le mystérieux orichalque ornaient les parures et les demeures des Hellènes. L'étain de Cornouailles passait en Grèce après un long voyage à travers la Celtique jusqu'à Massalia. Il est tout naturel que les archontes de cette cité aient cherché une voie plus rapide et moins coûteuse.

Or, au milieu du IVe siècle avant Jésus-Christ, les Carthaginois tenaient les Colonnes d'Hercule, l'actuel détroit de Gibraltar, et s'opposaient au passage des nefs hellènes et massaliètes. Tout navire qui n'était pas punique était impitoyablement coulé. Les marchands de Massalia, comme ceux de Grèce ou d'Italie, se voyaient ainsi interdire les voies de l'Océan et leur commerce maritime se trouvait limité à la mer Intérieure.

On comprend aisément que les archontes et les timouques massaliètes aient cherché un moyen de passer par l'Orient puisque la route de l'Occident leur était barrée.

II semble qu'ils aient eu en mémoire la lointaine expédition de Jason. Parti de Crête ou de Milet sur la légère Argo, Il avait franchi les Dardanelles et le Bosphore dont les dangers sont symbolisés par les Roches Symplégades. Après le Pont-Euxin il s'était engagé dans un des fleuves russes — le Tandis difficile à identifier — et, pratiquant le portage pour franchir les terrains de partage des eaux, il avait atteint la Baltique.

Le complexe de claustration de la Méditerranée « mer fermée » s'empare de l'esprit de ces marchands. Massalia vient de subir une grave crise monétaire puisqu'elle a participé à l'extinction de la dette contractée par Rome, son alliée, envers les Gaulois vainqueurs en 390 avant notre ère. Son commerce avec la Celtique paraît en avoir souffert.

Il semble aussi que l'équilibre qui a existé jusqu'alors ne convienne plus à Massalia : son domaine commercial borné au rivage nord de la Méditerranée occidentale et au couloir rhodanien est trop étroit pour elle. Son rôle de simple comptoir dans le pays des Celtes et des Ligures ne lui suffit plus. Les Carthaginois sont trop puissants; ils ne se contentent pas du rivage africain de la Méditerranée, ils vont depuis longtemps en Atlantique et commercent avec les pays de l'ouest de l'Europe et de l'Afrique. Carthage semble profiter de l'affaiblissement de ses rivales. Elle a pris pied en Sicile, elle menace les comptoirs massaliètes d'Espagne. Si Alexandre le Grand a pris Tyr, il est naturel de penser que la flotte phénicienne soit venue renforcer celle des Puniques d'Afrique. Autant de menaces qui pèsent sur le trafic massaliète. Malgré cette situation, et paradoxalement, Massalia, dont le commerce va manquer de débouchés, subit une crise de surproduction due à l'émigration des grandes familles phocéennes chassées par les Perses en 540. La colonie devenue métropole de ce fait est parvenue au rang de grande cité pendant ces deux derniers siècles. Cette cité indépendante, au gouvernement aristocratique, dont les écoles sont célèbres souffre de la turbulence gauloise, des razzias ligures, de la piraterie des Œgytniens de la Côte, des insolences et de la rapacité des Carthaginois et de leurs alliés de Gadès (Cadix) et de Tingis (Tanger). Tout concourt à créer dans la nouvelle métropole massaliète une volonté « d'en sortir ». De même chez son alliée romaine, le désir de détruire Carthage rendra les Guerres Puniques inévitables un siècle plus tard.

Les grands armateurs de Massalia connaissent le périple de Hannon qui, cent cinquante ans auparavant, avait fondé des comptoirs le long de la Côte Occidentale et de la Côte Équatoriale d'Afrique en égrenant sur les rivages son chargement de soixante navires d'émigrés carthaginois.

Peut-être aussi les timouques de Massalia — les notables commerçants d'aujourd'hui — n'ont-ils pas oublié le mystérieux voyage de Himilcon le Carthaginois vers le Couchant de l'Océan. Il parle de Sargasses et d'îles Fortunées.

Massalia est renseignée sur les Puniques par ses postes établis sur la côte méditerranéenne de la péninsule Ibérique. Or, Massalia reçoit l'étain, aussi indispensable aux alliages anciens que le nickel ou le manganèse à la métallurgie moderne, par la longue route de la Celtique, par les radeaux de la Seine, par les chevaux ou les mulets des gens d'Autun ou de Vix, par les utriculaires de la Saône et du Rhône et enfin par les transitaires de Thiliné (Arles). Il revient cher aux commerçants massaliètes, alors que les guetteurs du comptoir de Mainaké proche des Colonnes voient passer les lourdes nefs puniques qui viennent des îles Cassitérides (Sorlingues — Pays de Galles) et qui emportent en un seul voyage le chargement de plusieurs milliers de chevaux! Quant à l'ambre, Massalia en reçoit quelques grains à prix d'or par la même route que l'étain et aussi par le vieux chemin qui rejoint la Germanie hyperboréenne par la Moselle et le pays des Gutons.

Ce milieu du IVe siècle avant notre ère voit « l'éclatement » du monde grec. Virilisé par l'apport macédonien, le génie hellène va imposer ses lettres, son éthique, sa philosophie à l'Égypte, à la Perse et aux marches de l'Inde. Le règne d'Alexandre le Grand qui voit la fondation d'Alexandrie et de la ville qui deviendra plus tard Karachi, ouvre l'ère des grands découvreurs hellènes. Massalia ne sera pas la dernière à participer à cette connaissance du monde. Elle pense certainement que c'est un moyen de s'imposer. Si Néarque, amiral d'Alexandre, explore en revenant des Indes les côtes du Béloutchistan et du golfe Persique, Massalia envoie Euthymène sur les traces de Hannon vers l'Afrique occidentale, et Pythéas vers les pays de l'étain et les mers hyperboréennes. Ils forceront le blocus des Colonnes. Pythéas s'efforcera de trouver la route par l'Orient pour revenir à Massalia.

Le voyage de Pythéas a un double but : satisfaire la soif de connaissance d'un savant mathématicien, géographe et astronome, et renseigner les timouques.

Si Pythéas entreprend son voyage pour vérifier ses calculs sur les latitudes et sur les variations de la durée du jour selon qu'on s'approche ou qu'on s'éloigne du pôle, les timouques, en commerçants avisés, comptent sur lui pour leur apporter des renseignements précis sur les pays d'origine de l'étain et de l'ambre. Ils comptent sur lui pour retrouver cette fameuse route par l'est et la mer Noire, par les fleuves russes ou la Caspienne que certains généraux d'Alexandre croyaient être un mer ouverte vers l'océan hyperboréen ou vers la mer qui s'appellera plus tard Baltique.

Le récit que Pythéas publia de son voyage est perdu.

La carte qu'il en a dressée est perdue aussi. Il est probable que ces ouvrages avaient pris le chemin de la Bibliothèque d'Alexandrie où purent les consulter les chercheurs de l'Antiquité.

Nous connaissons le titre de l'ouvrage qui était Autour de l'Océan. Seules les méchantes critiques de Strabon nous en ont conservé des fragments très importants. Par Strabon nous savons que Pythéas avait des vues exactes sur la géographie et la cosmographie. Mais tout au long de son œuvre Strabon traite Pythéas de menteur alors que c'est lui qui se trompe lourdement. Pythéas sait que la terre est sphérique; il sait calculer avec précision une latitude, les distances qu'il donne sont justes. Il connaît le soleil de minuit et peut prévoir la nuit de midi. Strabon reconnaît toutefois, malgré sa rancœur de géographe de cabinet contre l'explorateur, que Pythéas est un « savant mathématicien et un astronome plein d'autorité ».

Je me suis servi de ces fragments, ainsi que de ceux cités par Cosmas Indicopleuste, Denys le Périégète et Pline l'Ancien comme des piles d'un pont détruit. J'ai voulu rebâtir des arches de ce merveilleux Pont du Vent posé sur la Route des Baleines.

Je remercie M. le directeur de la Bibliothèque Universitaire d'Upsal qui m'a confié l'édition remarquable des Fragments de Pythéas le Massaliète par Arvedson en 1824, M. l'archiviste et M. le bibliothécaire de la Chambre de Commerce de Marseille, M. Henri Rolland, directeur des Antiquités de Glanum et S.E. l'ambassadeur d'Islande à Paris, qui m'ont fourni documents et photographies.

Ainsi, de citation en vestige, après avoir su lire les mystères des sillages perdus, des vents, des glaces et des marées, Pythéas s'est imposé à mon esprit, et le petit enfant de Marseille qui s'étonnait déjà qu'un navigateur grec pût porter les braies gauloises de la statue du Palais de la Bourse, trouve aujourd'hui une réponse dans la reconstitution de ce Journal de Bord.

Si G. Broche a été jusqu'à sa mort le pionnier de Pythéas c'est avec émotion que je pense à tout ce qu'il aurait pu ajouter à la connaissance de son héros s'il avait fait le voyage d'Islande. Connaissait-il la Préhistoire de la Norvège de Haakon Shetelig? Connaissait-il les trouvailles de pièces de monnaie grecques archaïques sur les bords de la Baltique? Je ne le crois pas et c'est un devoir de compléter son œuvre. Il me semble que G. Broche ait été surtout passionné par l'idée d'une synthèse par les textes comme il l'annonce dans sa thèse même sur Pythéas. Or la vie et les voyages de Pythéas représentent autre chose qu'une compilation de critiques et leur réfutation. Pythéas est le symbole de l'extension de la civilisation hellène vers les pays du nord et de l'ouest de l'Europe. Pythéas effectue une « sortie » du monde méditerranéen vers le monde de l'Océan.

J'ai ainsi l'impression de poursuivre l'œuvre de Broche et de dépasser le but qu'il s'était imposé. J'imagine sa joie s'il avait pu connaître la découverte du merveilleux cratère de Vix-en-Bourgogne qui démontre cette pénétration des Grecs en Celtique, qui explique l'expédition de Pythéas par voie de mer : il veut donner à Massalia les débouchés faciles qui lui font défaut; le même souci détermine le voyage d'Euthymène vers l'Afrique de l'Ouest.

Il me semble que je parachève cette œuvre en donnant à mon éditeur ce journal qui aurait pu être écrit vers 330 avant Jésus-Christ.

Je signale en italique les fragments authentiques. Deux mille quatre cents ans après son voyage d'exploration scientifique, Pythéas est réédité, tout comme Homère l'a été par Massalia à l'époque de Pythéas.

L'aventure de Pythéas, ses recherches et ses expériences, en avance de plus de mille cinq cents ans sur la science européenne, en font, avant l'heure, un homme de la Renaissance, philosophe, astronome, mathématicien, géographe, inventeur, poète et navigateur, ouvert parfois aux secrets du commerce et de la diplomatie.

Un des plus beaux hommages qu'on vient de rendre à Pythéas est celui de Winston Churchill dans l'Histoire d'un Pays : « Pythéas de Marseille, écrit-il, est assurément l'un des plus grands explorateurs que l'histoire ait connus. Il avait vers le milieu du IVe siècle avant Jésus-Christ, au cours de ses croisières d'exploration, affirmé et proclamé l'existence des îles Britanniques : Albion et lerné. Mais Pythéas fut traité en conteur de mensonges, et ce n'est que longtemps après la disparition du monde où avait vécu ce grand pilote qu'on se prit d'admiration pour les découvertes qu'il y avait faites. Même encore au IIIe siècle avant Jésus-Christ, si les Romains connaissaient effectivement l'existence des trois grandes îles : Albion, Ierné et Thulé (l'Islande), l'idée qu'ils s'en faisaient était fantastique : là-bas, aux franges extrêmes du monde, tout leur apparaissait comme monstrueux et étrange.»

Pythéas le Massaliète, découvreur des pays du nord de l'Europe, nous livre son Journal de Bord tel qu'il eût pu l'écrire sur sa nef « faite avec le plus grand soin », apportant aux Suèves, aux Goths et aux Scandinaves la clé pour entrer dans l'Histoire de l'Europe occidentale et de la civilisation.

Marseille, le 18 août 1956 - Ceyreste, le 11 mai 1973.

Ferdinand LALLEMAND.

 

Sources; Bibliographie

* Ferdinand LALLEMAND : Journal de bord de Pythéas de Marseille. Éditions France-Empire. 1974

Autres sites traitant de Pythéas : 

* forum du site Marikavel : Academia Celtica

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