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la racine *Clar = surface plane

 

*François FALC'HUN, avec la collaboration de Bernard TANGUY : Les noms de lieux celtiques. Première série. Vallées et plaines. 


Chapitre VIII

Clar, « SURFACE PLANE ». 

(cartes pp. 126-127)


Un autre nom celtique de la plaine, conservé dans la toponymie française, et jamais encore signalé, semble-t-il, c'est la racine clar, « surface plane », qui a laissé des dérivés en -en, en -ia, en -(i)acos, et qui pouvait aussi constituer le premier élément de composés.

Selon l'Irish-english dictionary de Dinneen, clar, qui peut désigner toutes sortes d'instruments plats, a aussi en irlandais le sens de « surface plane, plaine, pays plat » : Clar Banbhan, Clar Fodla, Clar Luire sont des noms littéraires désignant l'Irlande, à cause de la grande plaine centrale qui va d'une mer à l'autre, et se termine sur l'Atlantique par le comté de Clare.

Watson, dans ses Celtic place-names of Scotland, donne un exemple d'usage toponymique de Clar en Ecosse : « Other expressions are Magh Monaidh and Clar Monaidh, « the plain of Monaidh », « the surface of Monaidh », i. e. of Scotland north of the isthmus between Forth and Clyde. » Ces expressions désignaient donc ce qu'on appelle aujourd'hui Lowlands en Écosse, tandis que Monaidh, identique au breton Menez, et synonyme de Highlands, désignait l'ensemble du pays, où prédominent les montagnes.

Le mot gallois correspondant, clawr, malgré des sens variés dont celui de « surface » d'un pays, auquel se référait Watson, ne semble pas attesté dans la toponymie actuelle du Pays de Galles. Mais il est probable qu'on doive le reconnaître en Angleterre dans les formes anciennes de Clarborough : Claureburg, Clauerburg ou Clareburg, qu'Ekwall (Dict. of English place-names) essaie d'expliquer par l'anglais clover, « trèfle », non sans reconnaître que « the combination of clover and burg is curious ». La même racine expliquerait encore Clare, Clere, Clarendon, Clareton, Clarewood. Des deux derniers, Plainville (Eure, Oise) et Plaimbois (Doubs) seraient donc des synonymes français.

A l'irlandais clar et au gallois clawr correspond le breton kleur (cf. Troude, Dict. br.-fr., et V. Henry, Lex. étym. du br. mod.), d'usage assez restreint, et aujourd'hui spécialisé dans le sens de « limon de charrette », sens qui n'évoque plus guère l'idée de surface plane, à peine celle de surface lisse. Le vannetais (cf. Ernault, Dict. br.-fr. du dialecte de Vannes) connaît un mot kléren attesté avec deux sens : 

1° vasière, terme de marais salants; 2° couche de glace, terre glacée. Dans ce dernier sens, kléren se voit attribuer klér comme pluriel. En réalité, klér est un singulier à valeur générique et collective, sur lequel a été formé le singulatif kléren. Le sens moderne de klér, kléren, résulte sans doute d'une spécialisation étroite du sens primitif de clar.

Dans le domaine bretonnant, l'a long de clar est susceptible de recevoir plusieurs traitements (cf. cartes 177, « plein », et 283, « grain », de l'A. L. B. B.) : eu à l'Ouest, et aux confins de la Haute-Bretagne a, e, plus rarement o. Mais ni Clar, ni Cler, ni Cleur ne sont attestés isolément en toponymie : cependant les Clérigo du Morbihan sont sans doute formés sur Cler.

Après l'article breton ar, Cleur devait devenir Hleur, d'où éventuellement Leur. Cela implique qu'une forme mutée de Cleur pouvait se confondre avec Leur, mot différent, mais de sens très voisin, d'une racine plar qui, par suite de la chute régulière du p indo-européen en celtique commun, a donné l'irlandais lar et le gallois llawr, en face de l'anglais floor et de l'allemand Flur. La même confusion
devait se produire dans les dérivés, si bien qu'il est difficile de dire si les vingt et un Leuré ou Leurré (pour Leurec) du Finistère sont formés sur Leur ou sur Cleur.

En composition après Ker, le c de clar pouvait donner non seulement un h caduc, mais aussi un g stable. De fait, on trouve un Kergléren et deux Kerglérec dans le Morbihan, un Kergleurec et un Kergléré dans les Côtes-du-Nord, un Kergléren et un Kerglérec dans le Finistère.

A titre de comparaison, remarquons que dans le seul Finistère on trouve sept Kerléguer pour un seul Kergléguer, en face de quatorze Cléguer, « rocher ». Mais, à la différence de cleur devant leur, cléguer n'avait pas auprès de lui un léguer de sens voisin, avec lequel pouvait se confondre sa forme mutée hléguer; c'est pourquoi il se sera bien maintenu isolément dans les toponymes, car il a également disparu de la langue parlée; il faut hléguer pour expliquer le nom du port de Saint-Brieuc, le Légué, hameau de Plérin. Que Kerléguer soit sept fois plus fréquent que Kergléguer, et ne puisse s'expliquer que par Cléguer, prouve que les Kerlar, Kerlaran et Kerlarec du Morbihan, les Kerler, Kerleur, Kerléran et Kerlerrec des Côtes-du-Nord, les Kerleur, Kerleuré et Kerleurec du Finistère ont autant, et plus, de chances d'avoir été formés sur Clar, Cler ou Cleur que sur Lar, Ler ou Leur.

La racine clar est abondamment attestée dans la toponymie de la Mayenne et de la Haute-Bretagne. Comme noms de hameaux, on relève :

- En Mayenne : Clairet(s), Clairie, Clairière, Clariot, Clarière, Clarisse (Clérisse en 1574), Cléricière, Clergerie.

- En Loire-Atlantique : Claire, Clairaie, Clairerie, Clairet, Claret, Clardais, Clardière, Clarière, Clartière, Clercière, Clergeais, Clergerie, Cléricière, Clérissais.

- En Ille-et-Vilaine : beaucoup des noms précédents, et en outre Clairette, Clairjeaudière, Clarais, Claraiserie, Clardrie, Clariaux, Clarrières, Cléray.

- Dans les Côtes-du-Nord : plusieurs noms déjà cités, et en outre Clairiaux, Clarçais, Cléraie, Clerget, Clérin.

L'étude du site n'a pas encore été faite pour ces noms de hameaux, et c'est pour des raisons purement linguistiques qu'on les rattache provisoirement ici à la racine clar, « plaine ». Il ne paraît pas utile d'étudier en détail le mécanisme de la dérivation avant de faire des recherches sur les sites.

En revanche, l'examen des cartes aussi bien que l'argumentation linguistique montre que l'on peut légitimement rattacher à la racine clar, « surface plane », les noms suivants de communes françaises : Claira et Clara (Pyrénées-Orientales), Clairac (Gironde, Lot-et-Garonne), Clairy-Saulchoix (Somme), Clary (Aisne, Nord), Clarques et Clerques (Pas-de-Calais), Cléré (Indre-et-Loire, Maine-et-Loire), Cléré-du-Bois (Indre), Clérey (Aube, Meurthe-et-Moselle), Clérey-la-Côte (Vosges), Clérieux (Drôme), Cléry (Côte-d'Or, Loiret, Savoie, Somme), Cléry-en-Vexin (Seine-et-Oise), Cléry- Grand et Cléry-Petit (Meuse), Clarac (Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées), Claracq (Basses-Pyrénées), Clérac (Charente-Maritime), Clarens (Hautes-Pyrénées), Claret (Basses-Alpes, Hérault), Clères (Seine-Maritime), Clerlande (Puy-de-Dôme), Clermain (Saône-et-Loire), Cléron (Doubs), Cleurie (Vosges).

Dans le Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France, Dauzat explique ces toponymes par les noms d'hommes latins Clarus, Clarius ou *Clarentius, l'adjectif latin clarus, un nom de rivière (Claire, Cleurie), ou une racine *Kl-ar-, « montagne », dérivée de *Kal-, « pierre, rocher ». Il est par ailleurs évident que l'adjectif latin clarus entre en composition dans un certain nombre de toponymes français, comme Clairefontaine (Seine-et-Oise) ou Clarafond (Haute-Savoie).

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Le toponyme clar  en Bretagne armoricaine (B5). 

B : St Brieuc; D : Dol; K : Cornouaille; L : Léon; M : St Malo; N : Nantes; R : Rennes; T : Tréguier; V : Vannes

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