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la racine *clun = prairie

 

*François FALC'HUN, avec la collaboration de Bernard TANGUY : Les noms de lieux celtiques. Première série. Vallées et plaines. 


Chapitre III

GALLOIS : Clun, Clyn;
GAÉLIQUE : Cluain, Cluaineag, Cluanag,

« PRAIRIE ».

(cartes pp. 112-113)


Ces noms de la prairie sont très fréquents dans la toponymie d'Outre-Manche. En Irlande, clon est la forme usuelle en composition, ainsi dans Clonmel, Clonakilty; comme forme isolée on trouve Cluens. Dans la toponymie galloise, la graphie glyn est trois ou quatre fois plus fréquente que clun : le nom de village Treclyn, à Eglwyswrw au sud de Cardigan, correspond aux noms des communes françaises de Tréclun (Côte-d'Or) et de Tréglonou (Finistère).

Pour l'Angleterre, Ekwall (Dict. of English place-names) considère Clun, Coln, Colne et Calne comme des variantes phonétiques d'un seul et même nom de rivière d'origine brittonique, mais «obscur, inexpliqué», qui aura également servi à nommer des agglomérations situées sur des rivières, comme Clun, Colne, Clowne, Clunton, Clumber, Clunbury, Colnbrook, Colney. Si l'on part de la notion de prairie pour expliquer clun, on rend compte à la fois du nom des villes bâties dans ces prairies et du nom des rivières qui les arrosent, sans qu'un Colney doive nécessairement être situé sur une rivière Colne. Justement, on trouve aussi un Colney sur la Yare. En France, Clénay, Claunay et Cluny ne sont pas non plus sur le Clain.

La même explication vaut donc aussi pour le Clain français, affluent de la Vienne qui passe à Poitiers. Vérification faite sur les cartes, c'est encore un site de prairies qui paraît fournir la meilleure interprétation du nom des communes suivantes : Clans (Alpes-Maritimes, Haute-Saône), Le Claon (Meuse), Cléon (Seine-Maritime, Drôme), Le Clion-sur-Mer (Loire-Atlantique), Clouanges (Moselle, de *cluania), Tréclun (Côte-d'Or), Cluny (Saône-et-Loire), Claunay (Vienne), Clénay (Côte-d'Or), Clonas-sur-Varèze (Isère), Clémery (Meurthe-et-Moselle, de *clon(o)-mar-iacum, cf. gallois Clynmawr, < grande prairie »). Ajoutons, pour la région parisienne, le nom de l'ancien hameau de Clignancourt et celui du domaine de Clagny à l'est de Versailles, où Louis XIV avait fait bâtir un château pour Mme de Montespan. La liste s'allongerait sans doute encore par des recherches sur les sites de Clugnat (Creuse), Clinchamps (Haute-Marne, Calvados), etc. Ce dernier toponyme trouve un synonyme exact dans le nom de village gallois Clyncae, tout comme Clamart (Seine) pourrait correspondre à Clynmawr. Mais il convient de préciser que le clyn gallois est aussi attesté, exceptionnellement, avec le sens de «taillis, fourré, hallier » (cf. Geiriadur Prifysgol Cymru, à clun 2), sans doute à cause de bords de rivière inexploitables comme prairies.

Dans le Finistère, le bourg de Tréglonou est bâti auprès d'un court vallon, bordé de prairies, qui aboutit à la mer derrière l'église. Les deux villages léonais de Kerglonou bordent également des prairies; une visite en saison opportune a permis d'y photographier les gens faisant les foins, avec les bâtiments de ferme à l'arrière-plan. A Elliant, le village de Kerglonhou est perché sur une croupe étroite entre deux vallons dont l'un commence là; mais les prairies de ce dernier appartiennent à un autre village situé plus bas, Penfoennec, « tête ou début de prairie», ce qui inscrit pour ainsi dire sur le terrain la synonymie de clon et de foennec. Seul le dernier terme est aujourd'hui compris; formé par dérivation du latin foenum, « foin », il a sans doute supplanté don au sens de «prairie».

Le bourg cornouaillais de Kergloff s'étend aussi le long d'une prairie. Kergloff est donc un ancien Kerglon, où la nasalité de l'o était marquée par ff. Mais aujourd'hui cette orthographe archaïque a déformé une prononciation désormais soumise aux normes de lecture du français, tandis que la prononciation traditionnelle a inspiré une graphie nouvelle dans Kerglon-hou (h y indiquant que l'n ne se prononce pas, mais nasalise la voyelle précédente). Il n'a pas été possible d'étudier sur place le site ni la prononciation d'un autre Kergloff, village de Rédéné. En Léon, l'n se prononce dans Tréglonou et Kerglonou.

A Rennes, le quartier de Cleunay est une ancienne prairie inondable en bordure de la Vilaine : on y surélève aujourd'hui le terrain pour bâtir. Trois hameaux d'Ille-et-Vilaine s'appellent Clinchamp, Clinchard et la Clintrais. En Loire-Atlantique, on trouve Clin, le Clion et la Clunais; en Mayenne, les Clans et la Clamarière (nom d'un ancien fief, cf. Clamart et Clynmawr); dans les Côtes-du-Nord, Cleunoc et Clunehault; dans le Morbihan, Clan, le Claune, le Clone, Clinclap, Moulin de Clan (cf. en Galles Clynfelin, Clunfelin, « la prairie du moulin »).

Des noms de communes cités plus haut, ceux qu'a retenus le Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France, quand il ne les déclare pas «obscurs», y sont expliqués, d'après différents auteurs, par des noms d'hommes gaulois (*Clunius, *Clamerius), latins (*Clavo, *Clanus, *Claunus, Claudius) ou germaniques (Colo, Hlodo), des adjectifs latins (clinus, clivus) ou du pré-indo-européen (cal—>*cl- « rocher ».) Pour Clion (Indre), la forme Claudiomagus est attestée dès le IVè siècle; ce n'est peut-être que l'interprétation d'un toponyme déjà incompris de certains scribes; même en ce cas, elle apporte un témoignage valable concernant l'accentuation antépénultième des mots en -magus dans cette région.

 

 

 

Le toponyme clun / clan / clon en Bretagne armoricaine (B5). 

B : St Brieuc; D : Dol; K : Cornouaille; L : Léon; M : St Malo; N : Nantes; R : Rennes; T : Tréguier; V : Vannes

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