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*Jeanne-Marie GUERGUIN*

 

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Une sainte Belliloise méconnue


Lorsque les estivants en quête de beaux panoramas font halte au village de Loc-Maria devant l'antique et vénérée chapelle de Notre-Dame de Pendréo, ils éprouvent une sorte d'extase devant cet horizon féerique. En face, au sud, les forêts jumelles de Coat-An-Noz et de Coat-An-Nay se dressent comme un toile de fond; plus près, la vieille cité de Belle-Isle, assise sur de fertiles et riantes prairies baignées par le Léguer et Le Guic. Enfin, au nord, toujours sur les hauteurs, un village, perché comme un nid d'aigle : c'est le village de Coat Malouarn (bois peuplé de renards).

C'est là que naquit le 4 mai 1864, Jeanne-Marie Guerguin, (Ker Guin) fille de Pierre et d'Anne Rondel. Dès le lendemain, son père accompagné du parrain, Yves Guerguin et de la marraine, Marie-Yvonne Rondel, traverseront les ajoncs et les genêts d'or pour présenter la petite Jeanne-Marie à l'abbé Cozdenmat, le curé d'a1ors, pour recevoir le baptême dans l'antique église dédiée à St Jacques. La signature du parrain, véritable calligraphie, prouve à l'époque, une instruction assez poussée. Ce souci d'instruire la petite Jeanne-Marie amènera les Guerguin à la confier à l'institutrice : Mlle Le Guyader. Le ramassage scolaire n'existait pas aussi, la bande d'écoliers de Coat-malouarn prenaient chaque matin la direction de Belle-Isle, se bousculant en riant, à qui dépassera les autres dans le sentier qui mène là-haut, à la chapelle de N.D de Pendreo, puis à la fontaine où ils boivent quelques gorgées d'eau bienfaisante contre les mauvaises coqueluches. Vers la fin de 1873, la famille Guerguin quitte la petite ferme de Coatmalouarn, pour exploiter une plus grande à Pluzunet. Ces villages de Pont-Marie en Pluzunet et de Coatmalouarn en Belle-Isle conservent encore le souvenir de ses hôtes d'autrefois : doux, paisibles, travailleurs, honnêtes, serviables. Jeanne-Marie grandit parmi d'humbles travaux mettant en pratique les leçons de Mlle Le Guyader aidant sa maman Anaik voûtée par les durs travaux des champs.

Autour d'elle, on admire cet oubli d'elle-même qui joint à se douceur sera la dominante de son caractère. Elle possède déjà la science des Saints; se faire toute à tous. Le 17 mars 1887, Jeanne-Marie Guerguin entre chez les religieuses missionnaires des Châtelets. Elle devient Soeur Marie-de-Ste Nathalie, le 22 août 1887. A Paris, à Carthage, puis à Turin, elle prie et se prépare à partir pour les missions. Le 7 mars 1899, elle est choisie pour la Chine et, le 19, elle quitte Marseille pour voguer sur les mers chinoises. Tout va enchanter la petite bretonne pendant la traversée. Est-il plus belle fortune que la faculté de tout observer à tout âge avec des yeux d'enfant. Les débuts de la traversée récoltent la tempête. Les missionnaires abordent Colombo et y visitent leurs sœurs qui desservent le grand hôpital. Puis voici la Cochinchine, le bateau remonte le Mékong jusqu'à Saigon, puis, Shangaï où l'on fait une entrée solennelle en pousse-pousse traîné par des chinois. Le 4 mai, les missionnaires arrivent enfin au terme de leur longue étape : un hôpital abritant plus de 200 petits orphelins de la Sainte Enfance.

Pourtant, à peine arrivée, la santé de Ste Marie de Nathalie deviendra la première croix de la Mission. Le typhus qui l'a terrassée, la met aux portes du tombeau. L'unique désir d'acquiescer à la volonté de Dieu telle a été la fructueuse expérience de longues semaines passées entre la vie et la mort. La mission est prospère. L'orphelinat permet les plus belles expériences lorsqu'éclate la révolution des Boxers. De tous temps, les forces occultes et désinvoltes ont miné l'énorme bloc chinois. Les convulsions qu'elles vont produire en 1909 coûteront 20 000 chrétiens sauvagement massacrés en haine de la foi.

Les bouleversements politiques qui devaient déchaîner en Chine pendant l'année 1900 une des plus meurtrières persécutions dont se souvienne l'histoire, trouvèrent des alliés dans les éléments même de la nature. Une épouvantable sécheresse désola le pays. La famine et la misère qu'en furent les conséquences excitèrent les passions, troublèrent les esprits. En pareille ambiance tout fantôme prend corps. Les semeurs de faux bruits, les apôtres de la haine, ont beau jeu. Les principaux responsables des tueries de 1900 sont l'Impératrice Tsou-hi et le vice-roi de Chansé, Yu Shien. Après avoir détrôné son petit-fils, le jeune empereur trop favorable au progrès moderne apporté par les Européens, l'Impératrice tourna contre les étrangers et contre les chrétiens l'acharnement de son aveugle xénophobie. Pour cela, elle se servit des Boxers, sorte de société secrète dont les bandes armées et fanatiques promenaient partout la mort.

Les 29 martyrs béatifiés, dont Jeanne Gnerguin, Soeur-Marie-de-Ste-Nathalie virent de loin l'holocauste sa dessiner pour eux et sans crainte s'y préparèrent. Dans l'après-midi du 9 juillet, 1e vice-roi Yn Shien donna l'ordre de tuer. Tandis que les tètes roulent sur le sol, les franciscaines soulèvent leur voile blanc pour recevoir le coup fatal. La petite bretonne a fermé ses jeux bleus à la terre. Ses doigts pressent le crucifix : « N'ayons pas peur... le bon Dieu vient nous chercher... la mort c'est seulement Dieu qui passe... »

Jeanne-Marie Guergnin a été béatifiée le 24 novembre 1946, par sa Sainteté Pie XII.

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D'après les récits d'un chrétien chinois ayant échappé au massacre.

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Extrait d'un journal ou d'une revue non identifiée des années 1980 approximativement.

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