Textes consacrés au temple de Lanleff

"On remarque à Lanlef un monument très ancien, qui sert aujourd'hui de vestibule à l'église succursale : c'est un vieux bâtiment circulaire, formé d'une double enceinte de murailles, dont l'une est extérieure et l'autre intérieure; celle-ci renferme un espace de trente pieds de diamètre; l'autre, bâtie à neuf pieds de la précédente, lui est concentrique. Le mur intérieur est percé" de douze arcades, de la largeur de cinq pieds chacune, et de la hauteur de neuf; les arcades forment un plein cintre chacune, et sont soutenues par des pilastres de trois pieds sur chaque face. Ses cotés sont décorés chacun d'une colonne adossée et saillante de cinq pouces; dans le mur extérieur sont aussi douze ouvertures de fenêtre qui correspondent aux douze arcades du mur intérieur. Ces fenêtres sont de figure et de grandeur différentes; elles vont en rétrécissant vers le fond, et l'espace qui les sépare est aussi décoré de colonnes. Ce bâtiment est construit avec la plus grande solidité; il est enduit de ciment , et la pierre qu'on y a employée est belle et de bonne qualité : on en remarque plusieurs parements qu'on appelle tuffeau vert. Les savants pensent que ce fût un temple bâti par les anciens habitants du pays. M. de Brignan (Le Brigant), qui a fait plusieurs recherches sur la Bretagne et sur l'origine de la langue du peuple bas-breton, a examiné attentivement le monument dont il s'agit, et a trouvé sa construction à peu près semblable à celle du temple de Mont-Morillon, en Poitou. L'abbé Le Bœuf prétend que ce dernier, qu'on a toujours regardé comme un temple consacré à quelque divinité du Paganisme, n'était qu'un hôpital bâti pour recevoir ceux qui allaient ou revenaient de la Terre-Sainte. Nous ne déciderons point entre ces deux écrivains; nous laissons aux lecteurs la liberté de suivre l'opinion qui leur paraîtra la plus vraisemblable. Le monument de Lanlef est actuellement couvert des branches d'un if qui se trouve planté au milieu de son enceinte".   

"L'église de Lanleff, qui semble n'être qu'une antique chapelle, a pour vestibule l'un des monuments les plus curieux de Bretagne, et connu sous le nom de Temple de Lanleff. On a beaucoup discuté sur cette ruine; ne l'ayant pas encore vue par nous mêmes, nous ne croyons pouvoir mieux faire que de relater ici, à son égard, l'opinion de notre excellent collaborateur, M. de Blois : 

 

" Il serait probable, dit-il, que ce monument serait une église chrétienne bâtie par un seigneur du pays, qui, revenu de la première croisade, où il aurait suivi le duc Alain Fergent, aurait fait construire cet édifice dans la forme de l'église du calvaire ou du Saint-Sépulchre de Jérusalem, dont il rappelle, grossièrement, à la vérité, la rotonde double et la disposition. Ce genre de dévolution était naturel à un homme qui avait fait la guerre sainte, et qui avait contribué à la conquête du tombeau de notre seigneur Jésus-Christ, chose dont il voulait perpétuer l'honorable souvenir. Le monument daterait en ce cas des premières années du XIIè siècle. Il est certain  qu'à cette époque on nec donnait pas d'ordinaire cette forme aux églises dans l'Occident, et que son rapport avec la rotonde du Saint-Sépulchre de Jérusalem est remarquable. Comme l'histoire ni les actes ne nous offrent rien de positif sur ce point, il faut bien s'en tenir à des conjectures, et celle-ci parait assez naturelle. Le temple de Montmorillon pourrait bien avoir la même origine. Comme les templiers avaient en 1160 des biens dans cette partie de l'évêché de Tréguier, d'après la charte du duc Conan IV, on pourrait leur attribuer cette construction orientale. "L'église du Saint-Sépulchre de Jérusalem (dit le maréchal de Raguse, dans son Voyage en Orient, exécuté en 1834 et 1835, t. III, p. 40) est construite dans le genre bizantin : l'édifice est beau sans être très vaste; il est composé d'une simple rotonde, augmentée d'un prolongement qui forme le chœur; son développement est cependant assez grand pour renfermer tous les lieux qui ont été le théâtre de la Passion". On peut remarquer que le monument de Lanleff présente absolument la même forme et le même disposition, que l'on ne peut pas méconnaître. Cette église, bâtie dans l'origine par quelque seigneur ou par quelque ordre riche et puissant, sera tombée, dès lors qu'elle aura cessé de lui appartenir, à la charge de la paroisse, qui, sans moyens suffisants pour l'entretenir en entier, se sera bornée à réparer la partie qui servait de chœur et où se trouvait placé le grand autel, et qui suffisait à la population. On a dès lors abandonné la rotonde dès que les voûtes se sont assolées". "La tradition des gens du pays, qui attribue la construction du monument de Lanleff à des moines rouges, qui sont les chevaliers de Saint6jean de Jérusalem, ou de Malte, dont l'habit militaire était rouge, avec une grande et simple croix blanche, mérite quelque attention. Ces chevaliers ont été gratifiés, en Bretagne, de la majeure partie des biens des Templiers, qui étaient habillés de blanc, avec une petite croix rouge un peu pattée, cousue sur le coté de leur vêtements, et qui, détruits depuis si long-temps, ont été effacés dans la mémoire des habitants par leurs successeurs, vêtus de rouge, et voilà pourquoi ils ne parlent plus que des moines rouges, quoique plusieurs de leurs monuments soient dus aux Templiers, qui les ont précédés. "Quant aux têtes de béliers et autres figures altérées par le temps, que l'on voit sculptées d'une manière informe sur les chapiteaux de cet édifice, on en retrouve de semblables sur ceux de nos anciennes églises construites vers les XIIè et XIIIè siècles. Après l'essai d'une construction grossière des chapiteaux corinthiens et ornements romains, o, voit les autres couverts d'ornements bizarres et de figures disproportionnées d'hommes et d'animaux, les architectes s'attachant alors à varier leurs dessins autant qu'ils le pouvaient, pour faire preuve de la fécondité de leur imagination. On en voit, entre autres, des exemples dans les églises de Loctudy et de Fouesnant, près Quimper; celle de Kernitron, près de Lanmeur, et dans beaucoup d'autres de nos plus anciennes églises".

"Depuis que M. de Blois nous a communiqué la note qui précède, nous avons reçu de nouveaux documents qui nécessitent une dernière addition à l'article qu'on vient de lire

On connaît en Angleterre quatre églises rondes, et toutes quatre sont attribuées aux templiers; ce sont  l'église du Saint-Sépulcre, à Cambridge; celle du même nom à Northampton; l'église du Temple, à Londres; enfin une dernière, moins remarquable, dans le comté d'Essex. La plus ancienne des quatre est celle de Cambridge, que les antiquaires croient avoir été bâtie entre la première et la seconde croisade. Elle consiste en deux galeries rondes, dont l'une enveloppe l'autre. L'intérieure est plus haute, et un toit la relie à l'extérieure. C'est aussi la disposition qu'ont du avoir les deux galeries de Lanleff. Enfin un porche donnait  entrée dans ce temple, qui communique, comme celui de Lanleff, à une autre église de forme quadrangulaire. Un dessin publié récemment par la société cambrienne d'Angleterre donne une idée parfaite de cette analogie. Jusqu'à la forme des plein-cintres à voûtes successives et décroissantes, tout y rappelle l'architecture de Lanleff. Nous n'hésitons donc plus à reconnaître que cette ruine est une de ces anciennes églises que les chevaliers du Temple construisirent en souvenir du Saint-Sépulcre"

Pour ce qui est de l'idée que cette ruine aurait servi d'hôpital, il nous semble inutile de nous y arrêter. La forme de ce monument exclut absolument une telle supposition et la rend inadmissible ..."   

"Le temple de Lanleff ... regardé jusqu'à ces derniers temps comme un temple gaulois ou romain, n'est qu'une église circulaire construite au XIIè siècle, probablement sur le modèle de la rotonde du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Il se compose de deux enceintes circulaires et concentriques, dont l'une a 10 mètres et l'autre 19,50 mètres de diamètre hors oeuvre. L'enceinte intérieure, transformée en cimetière, n'a plus de voûte; ses murs s'élèvent à une hauteur de 10 mètres; 12 arcades en plein cintre la mettent en communication avec l'enceinte extérieure ou collatérale circulaire. Les colonnes qui flanquent les piliers reposent sir des bases et portent des chapiteaux décorés de motifs de la période romane la plus reculée. Le coté est du collatéral a conservé sa voûte en plein cintre"..

" L'énigme du Temple.

"De sa source au confluent du Trieux, le Leff servait autrefois de frontière aux diocèses de Tréguier et de Saint-Brieuc. Lanleff, sur la rive droite de la rivière, était en Goello et relevait du second de ces évêchés.

Depuis le siècle dernier, les archéologues ont beaucoup discuté d'un curieux monument circulaire, sis aux portes du bourg, sur l'époque et sur la destination duquel l'accord n'a pu être réalisé jusqu'à maintenant. Cet édifice, communément appelé le Temple, a la forme d'une rotonde s'ouvrant jadis à l'extérieur par seize arcades. Douze piliers disposés en cercle à l'intérieur supportent un second mur, concentrique au premier, et séparant de l'aire centrale un déambulatoire en couronne. Des trois chapelles absidiales qui existaient autrefois, une seule subsiste. Un narthex de plan carré, diamétralement opposé à celle du milieu et d'ailleurs surajouté, a disparu également. L'œuvre est en assez mauvais état : une partie de l'enceinte est effondrée; il n'y a plus ni voûte ni toiture; la pierre, assez friable, se dégrade. Les chapiteaux, ainsi que certaines bases de colonnes, sont ornés de motifs géométriques assez élémentaires, de silhouettes et de visages humains, d'animaux grossièrement sculptés. 

Au début du XIXè siècle, le temple de Lanleff, que précédait encore son narthex, servait assez bizarrement de vestibule à l'église paroissiale. Il était déjà dépourvu de couverture et un if, qui poussait à l'intérieur, étendait ses branches au-dessus de ses murailles, alors beaucoup moins endommagées qu'aujourd'hui. On pénétrait dans l'église par la chapelle absidale médiane. En 1855, l'ancien sanctuaire, remplacé par celui qui se dresse actuellement au milieu du bourg, fur détruit, sans toutefois qu'on touchât à l'édifice circulaire. 

Un peu plus d'un siècle auparavant, en 1735, celui-ci avait déjà suscité la curiosité d'un voyageur érudit, le marquis de Robien. Président au parlement de Bretagne, collectionneur, archéologue, il nous a laissé une description historique de l'ancienne Armorique ou petite Bretagne depuis la conquête des romains jusqu'au passage des bretons insulaires dans cette province, enrichie de plans, cartes et dessins des monuments qu'on a pu découvrir jusqu'à présent. Le manuscrit de ce travail, conservé à la bibliothèque de rennes, est la source de nombreux renseignements concernant l'état des édifices anciens et de certains monuments mégalithiques au XVIIIè siècle en Bretagne. Il contient, en particulier, le plan et l'élévation de la rotonde de Lanleff : les murs étaient alors intacts, mais la voûte manquaient déjà et les branches de l'if commençaient à la remplacer. Fait curieux, les trois absidioles ne figurent pas sur les croquis du président de Robien. 

Qu'avait été, avant la date de ce relevé, le Temple de Lanleff ? Les documents sont rares. Nous savons simplement qu'en 1148 il appartenait au monastère bénédictin Saint-Magloire de Léhon, lequel relevait lui même de l'abbaye de Marmoutier, près de Tours. Léhon l'avait reçu en don, au XIè siècle, de Trihan, sire de Chatelaudren; c'était alors un sanctuaire dédié à la Vierge. Aucune mention antérieure ne nous est parvenue. 

L'aspect inhabituel de l'édifice et l'obscurité qui entoure son origine ont permis toutes les hypothèses. Son plan circulaire l'a fait prendre pour un temple gallo-romain, puis pour un baptistère mérovingien; le nom qui lui est traditionnellement appliqué, pour un ouvrage des Templiers. Mais aucune donnée certaine n'a permis d'étayer ces suppositions. Il est beaucoup plus probable qu'il s'agit d'une église de la fin du XIè siècle, bâtie comme quelques autres en Europe à l'imitation du Saint-Sépulcre de Jérusalem, en rotonde. 

Cependant, si la plupart des archéologues admettent aujourd'hui l'origine palestinienne de ce type de monuments, certains faits demeurent troublants. Il est certain, d'abord, que les celtes ont toujours eu un goût prononcé pour le symbolisme du cercle et pour les sanctuaires ronds : on a retrouvé des substructions de temples gaulois de cette forme, notamment à quiberon. De plus, il existerait à Newport, au sud de Boston, dans l'état de Rhode Island (U.S.A), une tour ruinée de plan circulaire et d'origine inconnue, non sans ressemblance avec le temple de Lanleff, et où certains ont voulu voir une construction faite par des Bretons. En effet, suivant la même hypothèse, ceux-ci seraient venus en Amérique du nord avant les Normands d'Éric e Rouge et, bien entendu, avant les émules de Christophe Colomb.

Donc, même si le temple de Lanleff (comme Sainte-Croix de Quimperlé) atteste l'influence de l'Orient et des Croisades, comme incite à le penser l'existence d'autres églises rondes en Europe occidentale, on peut se demande néanmoins si la volonté d'imiter le Saint-Sépulcre ne rejoignait pas, chez les architectes armoricains, une antique tradition. 

On ne peut donc considérer la querelle de Lanleff définitivement close et, même si l'on admet qu'il s'agit d'une construction datant du XIè siècle, bien des questions se posent encore au curieux qui visite l'insolite tout à double enceinte de murailles, dressé"e à la frontière du Goello. Cependant, une excellente mise au point a été faite par M. René Couffon à la suite des fouilles exécutées par le service des monuments historiques (voir Mémoires de la Société d'Émulation des cotes du Nord, tome XCIII; 1965, pp 117 et sq.)  

"Temple de Lanleff** (MH), ruines d'une église romane 11è construite sur me plan d St-Sépulcre".

Bernard Tanguy (1992) :

"L'église du lieu fut donnée en 1148 aux moines de Saint-Magloire de Léhon, avec les offrandes, les deux tiers des dîmes du village et la dîmes du marché, par Trihan, fils d'Eudon dit Pontius, seigneur de Chatelaudren. Elle resta leur propriété jusque vers le milieu du siècle suivant. Bâti en rotonde à l'imitation du Saint-Sépulcre, l'édifice, dont les vestiges remontant au XIè siècle passèrent longtemps pour ceux d'un temple antique, était dès cette époque dédié à la Vierge. la nouvelle église, achevée en 1856, a conservé ce patronage".

"La forme circulaire de ce monument a beaucoup intrigué. On a cru pendant longtemps qu'il recouvrait les fondations d'un temple antique ou qu'il avait été établi par les templiers. C'est pourquoi des archéologues du XIXè siècle ont appelé ces ruines, à tort, "temple de Lanleff". En fait, il s'agit d'une église chrétienne de la fin du XIè siècle, de style roman, bâtie au retour de la première croisade (1099) par un seigneur de la région, compagnon d'armes du duc Alain Fergent. Son plan circulaire s'inspire de celui de la basilique du Saint-Sépulcre, de Jérusalem. Un déambulatoire entoure la rotonde et l'absidiale sud-est. Il est partiellement couvert et ne comprend plus qu'une chapelle. Le toit de l'église, disparu depuis des siècles, pouvait avoir la forme d'une coupole, mais il est vraisemblable que les hautes colonnes de la tour supportaient une charpente en croix surmontée d'une toiture conique, comme celle du Saint-Sépulcre de Cambridge". 

"Une église assez unique. Avec celle de Sainte-Croix à Quimperlé, la seule de forme circulaire. Construite au XIè siècle, dans un style du plus pur roman, sur le plan du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Bien qu'elle ait perdu son dorme, l'ensemble est impressionnant de rudesse primitive, de sobriété. On pense irrésistiblement à un petit temple romain. Rotonde centrale bien conservée présentant de belles arcades et quelques chapiteaux sculptés de façon maladroite".

* Lanleff ne se trouve pas en Trégor, ni dépendant de l'évêché de Tréguier,  mais en Goelo et dépendant de évêché de Dol-de-Bretagne.

* L'écriture des textes (OGEE) a été respectée.

Toutes les photos ci-dessus ont été prises par J-C-Even, au mois d'août 2003. 

Copyright.   Reproduction réservée.

An holl skeudennoù a-us a zo bet tennet gant JC-Even, e-kerzh miz-eost 2003. 

Pep gwir miret strizh. Arabat adskeudennin.