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Chapitre XI 

(e)

Installation de Bretons (Britto-Romains)

en Armorique

par décision impériale

La délimitation du territoire originel

Essai de datation

Argument : La Petite Bretagne d'Armorique

a été créée par des Bretons venus de l'Ile de Bretagne

en compagnie de Maxime.

 

L'implantation de militaires Bretons en Armorique.

1. Principe de légalité et de légitimité

            On sait désormais, par les preuves données ci-dessus, que Maxime a pris effectivement des décisions portant sur des modifications territoriales au niveau des provinces gauloises. Il n'y a donc désormais aucune raison pour réfuter qu'il a pu prendre aussi des décisions d'implantation d'unités militaires hétérogènes sur certains territoires relevant de son autorité, comme l'ont fait bien avant lui tous les empereurs qui ont eu à s'occuper du système de défense des côtes de la Manche et de la Mer du Nord. En cela, Maxime ne constitue en rien un cas exceptionnel. Qu'il ait décidé d'implanter une des unités militaires bretonnes et maures qui l'ont aidé à s'emparer du pouvoir et sur laquelle il pouvait compter, dans un secteur de son choix et sur les conseils de son état-major, cela n'a en soi rien de surnaturel ni de mystique et ne doit donc plus être considéré ni comme une fiction ni comme une légende, mais bien comme un fait historique.

 

 

2. Différenciation des contextes politiques

            Il y a lieu en effet, à ce stade de la recherche, de mettre en évidence deux époques totalement différentes du point de vue géo- et militaro-politique :

            - la première période, qui court de la fin août 385 jusqu'au mois d'août 388 : Maxime est désormais l'empereur légitime en Occident : en Gaule, en Bretagne, en Germanie romaine, en Espagne, et probablement en Afrique et Maurétanie. Les territoires relevant ainsi de son augustat lui sont soumis, au politique, au militaire, de même qu'au civil. Il lui arrive également d'intervenir dans les querelles religieuses (20).

            Maxime étant le maître absolu en ce secteur, on peut en toute sérénité envisager un territoire confié par lui à ses proches et à ses alliés, toujours dans le cadre de népotisme traditionnel de cette époque. Dans cette optique, il n'est pas interdit d'imaginer qu'il a pu confier à son beau-frère Conan le commandement d'un territoire assez vaste correspondant au système de défense des côtes de la Manche. 

            Cela ne signifie pas pour autant que la population locale aurait été évincée pour être remplacée par une population d'origine insulaire. Cela ne signifie pas non plus que Conan soit roi sur ces territoires au sens régalien moderne du terme. Cela signifie seulement que les cités concernées sont mises sous le commandement militaire de Conan, et qu'elles doivent s'y soumettre. Ce n'est ni plus ni moins que la description d'un dux ou d'un patrice de cette époque, responsable militaire sur plusieurs royaumes, et rien de plus. Que quelques unités britto-romaines aient été dispersées dans ces territoires n'a rien de surprenant, mais il faut dire fermement qu'elles ne pouvaient en aucun cas remplacer à elles toutes seules les autres unités déjà en place, ni assumer l'intégralité des missions.

            On pourrait donc résumer cette période en la gratifiant du titre de duché ou de patriciat de Conan, même si l'un ou l'autre titre n'apparaît pas dans les textes le concernant.

 

 

            - la deuxième période, qui suit la chute de Maxime à Aquilée le lundi 28 août 388, suivie de l'assassinat de son fils, le césar Flavius Victor, apparemment à Trèves vers la fin de 388 ou le début de 389 : Théodose est vainqueur, et les Britto-romains et leurs alliés occidentaux se trouvent désormais dans le camp des vaincus.

            Quelle peut être dans ce cas l'attitude de Théodose à l'égard de ceux qui ont soutenu son rival. On peut effectivement s'attendre au pire, en particulier pour les proches, comme on l'a vu pour le fils de Maxime, le césar Flavius Victor. Qu'est-il advenu d'Hélène et de Conan ?

            De l'impératrice Hélène, on n'entend plus parler, mais on n'a pas non plus de preuve qu'elle ait été assassinée en même temps que son fils.

            De Conan, par contre, les indices nous laissent à penser qu'il a bénéficié lui aussi de l'amnistie décrétée par Théodose. Il a donc eu la vie sauve, à condition de reconnaître Théodose et par la suite le fils de celui-ci Honorius. On peut alors se rappeler les propos de Pacatus à propos de l'amnistie de Théodose :

            " Nul homme ne fut noté d'infamie, nul ne fut frappé d'un blâme ou enfin d'une réprimande; nul ne paya même d'une admonestation désagréable à entendre une faute qui méritait la mort. Tous furent rendus à leurs maisons, tous à leur femme et à leurs enfants, tous enfin, ce qui est plus doux, rendus à l'innocence. Vois, empereur, ce que tu as obtenu par cette clémence ...". (21)

            Peut-on penser que Théodose aurait confirmé Conan dans ses fonctions établies par Maxime ? On peut douter que Conan serait resté impassible devant l'assassinat de son neveu Victor, et peut-être de sa sœur Hélène, par le franc Arbogast ? 

            Il est parfaitement clair que le jeu d'Arbogast, fidèle de Théodose et visiblement lui aussi avide de pouvoir, est de faire en sorte d'éliminer Conan, et si ce n'est possible physiquement, au moins d'atténuer et réduire au maximum l'autorité. Il semble bien en tout état de cause que du côté de Théodose la négociation a prévalu sur une coercition, afin d'éviter une nouvelle tentative de sécession de l'Île de Bretagne, qui aurait provoqué une nouvelle guerre civile, ce dont l'Empire de l'époque n'avait vraiment pas besoin.

            La suite des évènements, jusqu'à la fin du IVè siècle et durant tout le Vè siècle est trop confuse pour pouvoir conclure définitivement sur l'étendue du territoire sous contrôle des Britto-Romains en Gaule armoricaine. L'histoire est quasiment muette sur des activités bretonnes en Armorique et en Belgique jusqu'à Clovis. On nous dit qu'il y aurait eu un soulèvement contre l'autorité impériale au début du Vè siècle (22).

            On en parle un peu à propos de la défense de l'Occident contre Attila, en 451, où ils sont qualifiés de Letavii (23). On sait que des Bretons sont installés au nord de la Loire à l'époque de la Guerre des Wisigoths, entre 466 et 475 (24). On sait désormais qu'ils ont participé à cette guerre du côté des Gaulois du Nord et des Burgondes (25). Mais il semble bien que leur autorité territoriale en Gaule, si elle a existé, est désormais réduite et ne peut couvrir une zone correspondant à l'ensemble de l'Armorique romaine et de la Belgique réunies.

            Quoiqu'il en soit, l'amnistie politique et militaire promulguée par Théodose a pour effet de confirmer a priori la légitimité des décisions prises par Maxime et de les entériner, même si ces dispositions ont pu évoluer par la suite, sous d'autres pressions et dans d'autres conditions géopolitiques et militaires.

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