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Geoffroy de Monmouth :

Histoire des Rois de Bretagne.

Traduction française par Laurence MATHEY-MAILLE.

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            84. Cinq ans plus tard, Maximien fut pris d'ambition du fait de l'immense quantité d'or et d'argent qui lui parvenait chaque jour. Il prépara une flotte très imposante et réunit tous les hommes en armes du pays. Le royaume de Bretagne ne lui suffisait pas. Il espérait soumettre les Gaules. Il passa la mer et arriva d'abord dans le royaume d'Armorique, maintenant appelé Bretagne. Il se mit à attaquer le peuple franc qui vivait là. Sous la conduite de leur chef Imbaltus, les Francs marchèrent contre Maximien et engagèrent le combat. Mais face au danger, la plupart prirent la fuite. Imbaltus et quinze mille soldats venus de tout le royaume tombèrent au combat. Après avoir causé un tel désastre, Maximien fut rempli d'une immense joie, sachant que la mort de tant d'hommes devait faciliter l'assujettissement du pays. Il fit donc venir Conan auprès de lui à l'écart des troupes et lui dit avec un sourire : "Voici que nous avons soumis l'un des royaumes les plus puissants de la Gaule et que se dessine pour nous l'espoir de conquérir les autres. Hâtons-nous de prendre les villes et places-fortes avant que le bruit du péril ne parvienne en Gaule ultérieure et ne provoque l'appel aux armes de tous les peuples. De fait, si nous pouvons tenir ce royaume, je n'hésite pas à affirmer que nous réduirons toute la Gaule à notre pouvoir. Ne sois donc pas affligé de m'avoir cédé la souveraineté de l'île de Bretagne, même si tu avais nourri l'espoir de la posséder : en effet tout ce que tu as perdu en Bretagne, je te le rendrai en ce pays. Je ferai de toi le roi de ce royaume. Ce sera une seconde Bretagne que nous peuplerons de notre race après avoir chassé les indigènes. Ce pays possède des champs fertiles, les fleuves y sont poissonneux, les bois magnifiques, les prairies partout agréables; à mon avis, il n'existe nulle part de terre plus plaisante. A ces mots, Conan baissa la tête et remercia Maximien auquel il promit de demeurer fidèlement soumis toute sa vie.

            85. Ensuite, après avoir réuni leurs troupes, ils marchèrent sur la ville de Rennes dont ils s'emparèrent le même jour. Les citoyens, qui avaient entendu parler de la cruauté des Bretons et du sort malheureux des victimes, s'empressèrent de fuir en abandonnant femmes et enfants. Dans les autres villes et places fortes, on suivit leur exemple, si bien que les Bretons progressaient facilement. Partout où ils pénétraient, ils massacraient toute la population mâle, n'épargnant que les femmes. Enfin, lorsqu'ils eurent fait complètement disparaître tous les hommes de toutes les provinces, ils garnirent de soldats bretons les villes, les places fortes, et différents promontoires. La férocité de Maximien était célèbre dans tous les autres territoires gaulois, aussi une grande terreur s'empara-t-elle de tous les chefs et de tous les princes qui n'avaient d'autre espoir que de former des vœux. Ils fuyaient les villages en direction des cités, des places fortes et de tous les endroits qui leur offraient un refuge sûr. Voyant qu'il était redouté, Maximien redoubla d'audace et agrandit rapidement son armée en faisant des dons considérables. Il savait repérer ceux qui étaient avides du bien d'autrui; il en faisait ses associés et n'hésitait pas à les couvrir d'or, d'argent ou autres présents.

            86. Il rassembla ainsi un nombre d'hommes si important qu'il estimait que cela pourrait lui suffire pour soumettre toute la Gaule. Il renonça pourtant un moment à ses actes de cruauté, le temps de peupler de Bretons ce royaume qu'il avait pris et maîtrisé. Il ordonna par édit que cent mille hommes du peuple breton fussent réunis sur l'île et conduits auprès de lui, avec en outre trente mille guerriers qui les protègeraient des invasions ennemies dans ce pays qu'ils allaient peupler. Ceci fait, il répartit les hommes dans toutes les provinces d'Armorique, faisant de ce royaume une seconde Bretagne qu'il confia à Conan Mériadec. Quant à lui, il gagna la Gaule ultérieure avec le reste de ses soldats; il la soumit après de très durs combats ainsi que toute la Germanie, remportant la victoire à chaque bataille. Il établit le trône de son empire chez les Trévères et fit preuve d'une telle fureur à l'encontre des deux empereurs Gratien et Valentinien qu'il fit mourir l'un et chassa l'autre de Rome.

            87. Pendant ce temps, les Gaulois et les Aquitains menaçaient Conan et les Bretons d'Armorique, qu'ils harcelaient sans cesse par des attaques répétées. Conan leur résistait; il rendait coup pour coup et défendait vaillamment le pays dont il avait reçu la charge. Victorieux, il voulut donner des épouses à ses soldats afin qu'ils engendrassent des descendants qui assureraient à jamais leur emprise sur le pays. Pour ne pas mêler leur sang à celui des Gaulois, il décida de faire venir des femmes de l'île de Bretagne et de les marier à ses hommes. Il envoya donc des messagers en Bretagne auprès du roi de Cornouailles Dionotus, qui avait succédé à son frère Caradoc, pour lui demander de prendre cette affaire en charge. Dionotus était un personnage noble et très puissant à qui Maximien avait confié le gouvernement de l'île pendant son absence. Il avait une fille d'une remarquable beauté, Ursule, que Conan désirait plus que tout.

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