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Chapitre II

Les Indo-européens

 

 

            1. Apparition des Celtes.

 

            La datation approximative de l'apparition des Celtes dans l'île de Bretagne varie, selon les auteurs, de 2000 à 680 ans avant J.C, et cet écart chronologique ne découle pas seulement, bien entendu, d'une simple margeur d'erreur, mais de deux conceptions fondamentalement différentes.

            La plus haute en date, -2000, semble s'attirer les suffrages de Miles Dillon et Nora Chadwick, qui considèrent que la civilisation des campaniformes, c'est à dire celle des gobelets, avec son essor particulier connu sous le nom de Wessex Culture, correspond à la première vague celtique :

            " L'implantation celtique est plus difficile à suivre dans les îles britanniques ou nous avons le choix entre deux extrêmes. Vers 2000 avant J.C est arrivé le peuple de la civilisation des campaniformes, dont les sépultures sont des tombes isolées à mobilier funéraire individuel. La remarquable culture du Wessex, qui fait son apparition à l'âge de Bronze, vers 1500 avant J.C, doit reposer sur cette tradition funéraire car le mobilier fait penser à une aristocratie guerrière " avec des séries hiérarchisées d'obligation de service ... allant de la noblesse militaire aux artisans et aux paysans" comme dans la société homérique. C'est le genre de société décrite dans les légendes irlandaises et aucune date ne milite contre l'arrivée des Celtes à une date aussi haute. Nous verrons que des considérations de langue et de culture tendraient plutôt à la confirmer.

... L'opinion commune des archéologues semble maintenant être qu'il n'y a pas eu d'immigration sur une grande échelle dans les îles britanniques entre 2000 et 680 avant J.C.

... et en ce qui nous concerne, nous accordons notre préférence à la date la plus haute,

... mais dans l'immédiat nous devons nous contenter de l'incertitude." ***

            Il est vrai que d'autres auteurs on parlé également d'une parenté possible entre les campaniformes et la race alpine. De là à établir une relation avec la branche celtique indo-européenne, il n'y a qu'un pas à franchir. Mais faut-il le franchir ? En tout état de cause, la propagation des Celtes en Grande Bretagne et en Irlande ne peut être antérieure à leur propagation sur le continent, et la datation, de ce fait, est donc assujettie à celle du continent.

            William Rees, lui, est plus réservé, et propose de voir vers 1000 avant J.C soit une première vague celtique, soit l'arrivée de peuples fuyant eux-mêmes les Celtes. ***

            La théorie de Ferdinand Lot à propos de la race alpine en Gaule n'est pas en fait très éloignée de celle de William Rees. Mais à défaut d'éléments plus prévis et plus circonstanciés, la plupart des historiens optent pour une date comprise entre -900, selon John Thorn ***, et -680, selon Miles Dillon et Nora Chadwick ***, c'est à dire, tout simplement, au premier âge du fer. ***

            Ces invasions celtiques, qui sont à proprement parler des vagues de migration de peuples indo-européens de l'ouest, se sont étalées jusqu'au début de notre ère, c'est à dire sur un millénaire environ.

            Leur installation s'est faite de façon organisée, chaque nouvelle vague, plus avancée dans les connaissances et mieux équipée techniquement, refoulant ou absorbant des peuples installés antérieurement. Mais le problème le plus compliqué qui demeure est celui de reconnaître et de donner des noms à ces vagues successives déferlant sur l'Ile. La dernière nous est connue par le témoignage de Jules César, à savoir celle des Belges " ... installés depuis peu...". *** Quant aux autres, aucun texte ni aucune référence sérieuse ne nous permet de les nommer de façon rigoureusement précise.

            Comparativement, plusieurs sources se sont essayées à nommer les peuples successifs d'Irlande.

            - Nennius en cite trois : Partholon, Nemed, et les Fils de Mil. ***

            - le Livre des Conquêtes en propose six, avec des réserves pour la première: (Césair), Partholon, Nemed, Fir Bolg, Tuatha Dê Danann, et les Fils de Mil. ***

            - O'Rahilly, plus récemment, a essayé d'isoler quatre peuples : Cruthin, vers le 6ème-5ème siècle avant J-C, Etrainn (= Fir Bolg) vers le 5ème siècle, Laigin (avec les Domnain et les Galioin), vers le 3ème siècle, puis les Goïdels vers 100 avant J.C. ***

            Malheureusement, si les deux premières recherches sont beaucoup trop empreintes de poésie et de légende pour être fiables absolument, la troisième se trouve elle-même battue en brèche pour des raisons d'antériorité linguistique. ***

            Pour ma part, voici le résultat d'une série d'observations que j'ai pu faire à partir d'observations ethnonymiques et vectorielles, l'ancienneté des peuples s'étalant, chronologiquement et logiquement, du sud au nord et à l'ouest, à partir du Kent, endroit le plus proche du continent, vers les côtes de la Mer d'Irlande et de l'Écosse, lieux les plus éloignés du point de départ : ***

 

 

            2. Première 'invasion' : les Cruithni.

 

            Ce qui ressort essentiellement du débat sur l'Irlande, extension naturelle de l'Ile de Bretagne, c'est que les premières vagues furent celles des *Cruthin et des Erainn, qualifiés de Celtes en Q, par rapport aux suivants, qualifiés de Celtes en P, du fait de la maintenance dans leurs dialectes du Q archaïque indo-européen qui avait chuté en P chez les suivants.

            Il se trouve également que la langue gaélique désigne par *Cruithni les habitants primitifs du nord de l'Écosse, d'où l'hypothèse non discutée que ceux-ci étaient étroitement apparentés aux premiers peuples d'Irlande. ***L'idée d'un nom générique collectif en *Cruthin ou *Cruithni pour l'ensemble des peuples de la première vague indo-européenne en Ile de Bretagne et en Irlande s'avère ainsi des plus plausibles.

            Par ailleurs, ce nom de *Cruthin ou *Cruithni n'est ni plus ni moins que la forme archaïque du nom des Bretons, habitants de l'Ile de Bretagne, selon la progression suivante :

            - *Cruthin, mot d'origine indo-européenne, maintenu en celtique ancien,

            - *Pritan, évolution du précédent par la mutation du Q initial en P, vers les 6ème et 5ème siècles avant J.C, d'où *Pretanis en grec, à l'époque de Pythéas,

            - *Britan, évolution du précédent par la mutation du P initial en B, probablement à l'arrivée des Belges, vers 200 avant J.C, d'où le latin *Britannia pour désigner l'Ile et *Britanni pour désigner ses habitants par les Romains. ***

            L'explication étymologique de ce nom a pu être déterminée par recoupement avec le mot sanskrit *Krita- > *Prith, et avec le grec Prutanis. Il s'agit d'un nom à valeur symbolique et théonymique, basé sur le nom, épithète ou qualificatif, de la divinité tutélaire de ce peuple et ayant la signification Suprême.

            Cette divinité suprême n'est autre que Kronos lui-même, roi des Bienheureux, et vivant, selon Plutarque, ' ...dans une île proche du pôle nord, où le soleil ne se couche jamais complètement...' ***

            Nous nous trouvons avec la divinité Kronos dans les profondeurs mêmes de la mythologie et à l'origine de la tradition indo-européenne. Ce dieu nous est surtout connu par ce que les Grecs nous en ont appris : Kronos, fils d'Ouranos (le Ciel divinisé) et de Gaia (la Terre divinisée) se révolte contre son père, l'émascule, et le détrône pour prendre sa place, jusqu'au jour où il est lui-même détrôné à son tour par son propre fils Zeus (le Jour divinisé). Son principe mythologique a été défini par Jean Haudry de la façon suivante :           

 " Kronos, coupure entre Ciel diurne et Ciel nocturne. Intermédiaire nécessaire entre l'actuel dieu souverain Zeus et le dieu souverain initial Ouranos, pour porter la responsabilité de l'acte parricide, Kronos est aussi l'image du ciel rouge, auroral et vespéral, dont la couleur a pu être interprétée comme le symbole d'un acte sanglant exercé contre le ciel nocturne. Hésiode indique l'heure à laquelle a été accomplie la castration d'Ouranos: c'est le crépuscule, Théogonie V.176 : " arriva, amenant la nuit, le grand ciel". On peut donc considérer Kronos comme la personnification de la coupure entre ciel nocturne et ciel diurne, et proposer une étymologie pour son nom: Kr-onos est le dérivé en -ono- à valeur de nom d'action de la racine Ker- = couper (keiro) ..." ***

            Parce qu'il a permis au Jour de sortir de la Nuit, Kronos doit être considéré comme l'élément initial de la vie humaine sans lequel cette situation n'aurait pas pu exister. C'est pourquoi il est nommé Dispater (Dieu Père) par les Gaulois, Eochaid Ollathir (Père Tout Puissant) par les Celtes d'Irlande. De même, par la couleur rouge qui caractérise l'aube et le crépuscule, il est nommé Ruadh Rofhessa (le Rouge de la Science parfaite). ***

            Les *Cruthin, ou *Cruithni, ou *Qritani, puis plus tard *Pritani > Britanni, sont donc sous le vocable de Kronos, leur dieu tutélaire, dieu de la Lumière jaillissante. Leur composante principale initiale en Ile de Bretagne est constituée par le peuple des Cornovii, dont on retrouve le nom en trois endroits différents et éloignés l'un des autres, confirmant ainsi leur large expansion :

            - au nord de l'Écosse, où ils sont restés dominants, ils se sont scindés en plusieurs tribus autonomes dont les noms ethniques convergent et rappellent celui du dieu de le lumière, des éclairs, et de la foudre: Caereni, Carnonacae, Cornovii, Creones, dans les noms desquels on distingue systématiquement le thème consonantique KRN, identique à celui de Kronos. On peut probablement leur rattacher les Lugi (= éclairs), Smertae (de Smertos, autre nom de Lug), et Decantae ( = dieu; Cantios = brillant);

            - à l'ouest, ils sont restés bloqués contre les montagnes du Pays de Galles, où ils occupent le pays de Wroxeter et de Chester;

            - au sud-ouest, on peut également leur attribuer les villes de Cirencester (= Corinion; voir thème KRN), et de Gloucester (en gallois Cairloyw = ville brillante, ville du dieu de la lumière), dans lesquelles ils ont dû se maintenir longtemps face à leurs successeurs et envahisseurs***. Par contre, le Cornwall ne dérive pas du nom des Cornovii, ni réciproquement, contrairement à ce que l'on en a dit souvent. ****

 

 

            3. Deuxième 'invasion' : les Dumnonii.

 

            Premiers Celtes en P, les Dumnonii envahissent à leur tour l'Ile de Bretagne. Ils soumettent et absorbent une grande partie des Cornovii, en s'emparant des terres, des villes et des forteresses, et refoulent le reste vers l'ouest et le nord. Les Cornovii du sud-ouest finissent par se faire absorber totalement par les Damnonii, tandis que ceux du Cheshire se trouvent complètement encerclés et isolés des autres. Au nord, les Damnonii s'installent dans la partie sud des Highlands, les Monts Grampians.

            Le thème générique de leur nom est celui de la Grande Race, où de la Race Supérieure. On les trouve systématiquement sur les talons des Cornovii :

            - au nord, ils comprennent quatre tribus: les Damnonii, les Venicones, les Vacomagi, les Taezali;

            - à l'ouest, entre le Pays de Galles à l'ouest et les Cornovii au nord on trouve les Dobunni (variante des Dumnonii) avec leur capitale Corinium / Cirencester, et pour ville principale Glevum / Gloucester, toutes deux prises préalablement sur les Cornovii;

            - au sud-ouest, ils occupent toute la péninsule jusqu'au cap Belerion / Land's End, et ont pour capitale Isca / Exeter. Leur nom est resté présent dans celui du Devon actuel.

 

 

            4. Troisième 'invasion' : les Brigantes.

 

            Ce peuple, sous le vocable de Brigit / Dana, la grande déesse celtique, pénètre à son tour dans l'Ile, reprenant exactement le même processus d'implantation de celui utilisé par les peuples précédents : ils en absorbent une grande partie, en s'emparant à leur tour des terres, villes et forteresses tenues par les Dumnonii, et refoulent le reste vers l'ouest et le nord. ***

            Les Brigantes sont un peuple extrêmement puissant pour l'époque, et le plus nombreux de l'Ile. *** Il a pour capitale Isurium, et comme villes principales Epiacum, Vinnovium, Cataractonium, Calagum, Rigodunum, Camalodunum, et Olicana ***. Le groupe occupe tout le centre de l'Ile, d'une mer à l'autre, et comprend probablement, outre les Brigantes proprement dits, les Votadini, les Coritani, les Selgovae, et les Novantae. ***

            Bien, que le nom n'apparaisse pas sous sa forme propre dans le sud-ouest de l'Ile, on peut tout de même penser qu'il peut avoir un rapport direct avec celui de la ville de Bath, à savoir Aquae Sulis, ou Aquae Minerva, Sulis étant l'un des qualificatifs de la déesse solaire, et Minerva son adaptation en latin. ***

            Même s'il convient de rester prudents sur une tentative d'identification de ce genre, compte tenu de l'indigence des preuves archéologiques en la matière, il ne serait cependant pas téméraire de penser que des tribus apparentées aux Brigantes / Danaéens auraient pu essayer d'occuper cette contrée de Bath, en séparant les Damnonii des Dobunni, pour s'assurer du contrôle de la rive sud de la Sévern. Dans le cas contraire, on pourrait observer qu'ils auraient été les seuls à ne pas l'avoir envisagé, puisqu'il semble bien que cela a été une préoccupation constante et un processus systématique pour les différents envahisseurs qui se sont succédés dans ces parages : ainsi l'ont fait les Dumnonii, puis les Belges, puis les Romains, puis les Anglo-saxons. Il ne reste qu'à espérer que des découvertes archéologiques ou linguistiques viendront peut-être étayer cette vision des choses. ***

 

 

            5. Quatrième 'invasion' : les Belges.

 

            Nous avons beaucoup plus de connaissance sur ces tribus belges, car elles sont issues directement de la vague belge installée dans tout le nord de la Gaule, entre la Seine et le Rhin. Il s'agit d'un peuple particulièrement puissant et violent, farouchement jaloux de sa liberté et de son indépendance. Tous les ethnonymes qui en sont issus sont significatifs du thème de la Force et de la Puissance.

            Assurés d'un apport constant du continent, les Belges traversent à leur tour le détroit du Pas-de-Calais et prennent pied dans le sud-est de l'Ile. Il est probable qu'entre le 2ème siècle et notre ère ils occupent déjà les actuels comtés de Kent, East Sussex, West Sussex, Hampshire, Surrey, Londres, Essex, Suffolk, Norfolk, Cambridge, Hertford, Bedford, Buckingham, Oxford, et Northampton, où ils sont représentés par les tribus des Cantiaci, Regnenses, Atrébates, Catuvellauni, Trinovantes, et Iceni.*** César cite par ailleurs un certain nombre d'autres tribus secondaires, mais dont il est le seul à parler : les Cenimagnes, Segontiaci, Ancalites, Bibroci, et Cassi. ***

            Deux des principales tribus semblent être des émanations directes des tribus gauloises: les Atrébates et les Catuvellauni. ***

 

 

            6. Les apports intermédiaires.

 

            Mis à part les quatre principaux groupes ethniques désignés ci-avant, et représentant quatre vagues principales d'invasion, il est possible qu'il y ait eu également quelques apports intermédiaires de moindre importance. C'est ainsi qu'à défaut de pouvoir les rattacher à l'un ou à l'autre des groupes on puisse définir les Caledones et les Epidii, situés, géographiquement au moins, entre les Cruithni et les Damnonii d'Écosse, aux alentours de la grande dépression précisément nommée Glenn More en celtique et Canal Calédonien en langue moderne.

            Chose surprenante, les Calédoniens semblent correspondre, eu égard à la couleur de leurs cheveux et la dimension de leurs membres, à l'image que l'on se fait à Rome des Gaulois, dès lors que l'on compare les propos des auteurs anciens. Peut-être est-il possible dans ces conditions de rapprocher le nom propre de la tribu, Caledones, de la racine Kelt : Celtes et Galates, correspondant au grec Keltoi et Galatoi. ***

        Concernant les Parisii de l'embouchure du Humber, il semble établi qu'il s'agit d'une émigration tardive, consécutive à l'occupation de la Gaule par les Romains. On peut donc la situer, dans ces conditions, à la fin du Ier siècle avant notre ère (à partir de 52 avant J.C). Cette interprétation demande à être approfondie.

 

 

            7. Les peuples non indo-européens.

 

            Il semble que l'on puisse, comme on l'a déjà vu, mettre d'office dans cette catégorie les Silures du sud du Pays de Galles qui, par leur aspect physique, ne semblent pas être en rapport avec les migrations indo-européennes. Il est plus probable qu'il s'agisse d'un reliquat de la population mégalithique installée à l'origine dans le sud-ouest de l'Ile, et dont les racines méditerranéennes pourraient expliquer le degré d'évolution et de connaissances mathématiques et techniques nécessaires à l'organisation et à l'érection d'ensembles monumentaux comme Stonehenge. Les Silures constitueraient alors en quelque sorte le trait d'union entre l'Ile de Bretagne et le bassin méditerranéen.

            Les tribus du Pays de Galles posent un tout autre problème, découlant lui-même de la théorie de l'implantation indo-européenne exposée dans cette présente étude. Il a été remarqué en effet que deux au moins des trois tribus présentent des noms ethniques semblant se rapporter à l'ours, animal qui représentait dans la civilisation celtique le symbole de la royauté, c'est à dire le symbole du pouvoir suprême: les Ordovices et les Demetae.

            Ce thème est par conséquent bien différent de ceux des voisins immédiats, les Cornovii au nord-ouest, les Silures et les Dobunni au sud-est. Si l'on exclut une parenté avec l'un ou l'autre de ces groupes, on doit alors penser logiquement que ces tribus constituent un groupe à part, unique à l'origine, puis démembré par la suite.

            Comme on a vu que les Cornovii constituent de toute évidence la première vague indo-européenne de l'Ile, suivis par les Damnonii / Dobunni, cela tend à démontrer que des deux tribus du Pays de Galles étaient déjà installées avant ces deux groupes, et que ces derniers ont été arrêtés dans leur progression par les montagnes et par les populations déjà maîtresses de ces montagnes.

            Il parait en effet impensable que des peuples venus d'Irlande ou du Continent par l'ouest aient pu seulement débarquer en force dans ces parages, et encore moins refouler les Cornovii, puis les Damnonii / Dobunni, quand à l'évidence le processus était exactement inverse dans les autres régions de contact. Autrement dit, les Ordovices et les Demetae, avec peut-être les Deceangli, pourraient alors être les descendants des hommes de la première vague néolithique, prédécesseurs et différents des Silures.

            Encerclés par les arrivants celtes, et bloqués sur la Mer d'Irlande, la celtisation des Silures et de ces tribus du Pays de Galles n'a plus été dès lors qu'une simple question de temps, et c'est ainsi que petit à petit la langue et la culture celtique ont fini par s'implanter dans les régions tenues par ces populations antérieures, remplaçant les noms de personnes, puis les noms de lieux s'il y en avait, et effaçant à jamais des parlers pré-indo-européens que nous aurions bien aimé connaître aujourd'hui.

 

 

            8. Chronologie approximative des immigrations.

 

            Cette question, pour aussi attrayante qu'elle puisse être ne peut, en l'absence de données historiques précises et de découvertes archéologiques irréfutables, entraîner que des réponses incertaines, et toutes les affirmations faites en ce domaine ne peuvent être, en définitive, que conjecturales ou abusives.

            Mais si l'on tient compte des divers sentiments exprimés par les historiens, nous obtenons une 'fourchette' de dates allant de -1000/-900 pour les Cruithni / Cornovii, premiers arrivants, à -300/-200 environ pour les Belges, derniers installés à l'époque de César. L'arrivée des Damnonii, apparemment premiers Celtes en P pourrait alors se situer vers -700/-600, et celle des Brigantes / Danaéens vers -500/-400. Cela nous donne une cadence de 200 ans environ, celle-ci étant proposée sous toutes réserves, bien entendu.

 

 

            9. Conséquences linguistiques.

 

            Si l'on admet comme principe que les peuples, lors de leurs progressions, absorbent et soumettent une grande partie de leurs prédécesseurs et refoulent les résistants et les réfractaires devant eux jusque dans les endroits les plus éloignés et les plus difficilement accessibles, on est amené à déduire que les idiomes les plus archaïques (ou les plus anciens) sont situés en pointes de vecteurs, endroits les plus éloignés de la base, justement là où se trouvent des peuples spécifiques non intégrés, alors que dans les régions à fort brassage de population on trouve des idiomes plus ou moins mélangés, chaque nouvelle migration provoquant par la force des choses un nouveau mixage de peuples, de civilisations, et de langues.

            Ainsi, si nous attribuons l'index 1 aux Cornovii, Celtes en Q, nous en aurons donc trois implantations: au nord de l'Écosse, dans le centre-ouest (Cheshire), et dans le sud-ouest (péninsule du Cornwall / Devon / Avon). Cette approche reste évidemment théorique, car la vérité historique a voulu que les Cornovii du Cheshire ont été quasiment encerclés par des Celtes en P (Dobunni et Brigantes) et que les Cornovii de la péninsule du sud-ouest ont été complètement absorbés par les Dumnonii et ont disparu en tant que peuple.

         Attribuant l'index 2 aux Damnonii, nous obtenons un premier brassage 1 + 2 dans les régions que ceux-ci ont conquis sur les Cornovii : au sud de l'Écosse, dans la basse vallée de la Sabrina / Sévern, et dans la péninsule sud-ouest.

          De même, en attribuant l'index 3 aux Brigantes / Danaéens, nous obtenons un brassage 1 + 2+ 3 dans les régions arrachées aux Damnonii, à savoir tour le centre de l'Ile.

            Enfin, attribuant l'index 4 aux Belges, nous obtenons un brassage 1 + 2 +3 +4 dans le sud-est de l'Ile de Bretagne dans l'aire sous influence belge.

         Les régions à peuplement antérieur d'origine néolithique du Pays de Galles, celtisées par contact, recevront l'index 5. Celui-ci résulte probablement de la superposition d'une couche archaïque néolithique, assez indigente, par un premier apport Qritanique, d'où une vague ressemblance avec l'irlandais et les Cornovii, puis par un second apport plus important des Damnonii, d'où la forte impression britonnique.

 

Extrait de JC Even : Grande Bretagne celtique.

 

         Ce principe de mélange par superposition, fondamental, est applicable dans tous les domaines de la linguistique: toponymie, hydronymie, oronymie, patronymie, etc.

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