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Fanny Bury-Palliser : Mon voyage en Bretagne; Carnet de route.
1867-1868. Editions Anagrammes. Perros-Guirec.2005.
"Carhaix est une ville du Moyen Âge sans attrait; ses rues sont sales et non pavées. Elle a beaucoup perdu de 1'importance qu'elle avait eue comme capitale du pays séparé de la Cornouaille, au VIe siècle, par Comorre, le Barbe bleue breton. Elle est située sur une hauteur d'où la vue s'étend sur le pays aride et monotone qui l'entoure, clôturé par les monts d'Arrée qui sont les Alpes du Finistère. C'est le centre de la basse Bretagne. Le duc d'Aiguillon, ministre de Louis XV, y fit construire six routes qui mènent à Brest, Quimper, Morlaix, Saint-Brieux, Vannes et Châteaulin, dans l'espoir d'introduire commerce et civilisation dans cette région désolée, “le dernier trou du monde", selon les Parisiens. La Tour d'Auvergne, premier grenadier de France, y est né, et une statue en bronze, par Marochetti, lui a été élevée. Il est représenté en uniforme de simple soldat qui presse sur son cœur l'épée d'honneur que vient de lui donner le premier consul. Autour du socle, il y a quatre bas-reliefs, illustrant des scènes de sa vie : dans le premier, on le voit sauver un soldat blessé; dans le second, forcer les portes de Chambéry; dans un troisième quitter les parents d'un jeune homme dont il prend la place comme conscrit; dans le dernier être tué par une lance à Ober-Hausen (Bavière), en se battant contre les Autrichiens. Le monument porte cette inscription sur ses quatre côtés : “La Tour d'Auvergne, Ier Grenadier de France, né à Carhaix le 23 décembre, 1715; mort au champ d'honneur le 27 juin, 1800. Écrivain, Citoyen, Soldat, sa vie toujours glorieusement remplie ne laisse que de sublimes exemples à la postérité. Tant de talents, et de vertus, appartenaient à l'histoire et au premier Consul, de les devancer. Celui qui meurt dans une lutte sacrée trouve pour le repos une patrie même sur la terre étrangère." Préférant le titre de 'Premier Grenadier de France' à de
plus grands honneurs, La Tour d'Auvergne resta simple soldat jusqu'à sa mort; mais un décret de Buonaparte, alors
premier consul, conservé au Musée des Archives, ordonne que le nom de La Tour d'Auvergne reste toujours dans
l'appel de son régiment et qu'il soit répondu chaque fois au caporal qui le cite : "Mort au champ d'honneur
!” La Tour d'Auvergne avait un chien savant qu'il dressa comme un soldat; il lui faisait faire tous les exercices et toujours avec des bottes; bottes qu'il porta aussi, une fois, au cours d'une longue marche de Paris à Guingamp. Photographie / Skeudenn J.-C.Even Une foire aux chevaux ainsi qu'un marché se tenaient à Carhaix. Quelques femmes portaient de curieux capuchons de flanelle bordés de couleurs. Il y avait là des paniers de tilleul et de coquilles de berniques calcinées, utilisés pour la lessive en guise de savon. Dans le porche de l'église se trouvaient des petits ossuaires, si courants en Bretagne, dédiés à saint Trémeur (le fils du Barbe bleue Comorre). Sur l'un d'eux on pouvait lire : "Ci gît le chef de Mr. Thomas François Nonet, ancien notaire et maire de la ville de Carhaix, né le 28 juillet 1776, décédé le 8 septembre 1842." Le couvre-feu sonne à dix heures moins le quart à Carhaix. |