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OGEE (1783) : 

DINAN ; ville considérable dans le diocèse de Saint-Malo; par les 4° 23' de longitude, et par les 48° 27' 6" de latitude; à 5 lieues de Saint-Malo, son évêché, et à 10 lieues de Rennes. On y remarque un gouvernement militaire, une communauté de ville avec droit de députer aux Etats, une sub-délégation , un commissariat aux classes de la marine, une brigade de maréchaussée, une milice bourgeoise, un siège royal de police, une direction des devoirs; les recettes de la capitation, des fouaces, de la traite domaniale et des octrois; un bureau de messageries; deux postes, l'une aux lettres, l'autre aux chevaux; un collège, un bel hôpital et sept communautés religieuses, qui sont : les Jacobins, les Cordeliers, les Capucins, les filles de Sainte-Claire, les Ursulines, les jacobines de Sainte-Catherine et les filles de la Sagesse, fondées par le comte de la Garaye. On y compte 6,000 habitants, y compris ceux des faubourgs; il y a deux paroisses, Saint-Malo et Saint-Sauveur; la cure de la première est présentée par l'évêque, et celle de la seconde par l'abbé de Saint-Jacut. Les vaisseaux des églises paroissiales sont de toute beauté, mais ils sont imparfaits; l'intérieur est très-bien décoré et les autels bien entretenus : on n'y aperçoit d'autres traces d'antiquité que quelques caractères hébraïques indéchiffrables, qui sont sur les piliers autour du chœur. Le seul objet qui puisse mériter attention dans l'église de Saint-Malo est la chaire nouvellement bâtie, et le tombeau de marbre blanc de l'écuyer Raoul Marot, seigneur des Alleux, ancien sénéchal de Dinan, et de la dame son épouse, ancêtres du fameux comte de la Garaye, qui expia les fautes de sa jeunesse par une pénitence austère et une charité vraiment louable, qui doit le mettre au rang des bienfaiteurs de l'humanité. Ce tombeau, élevé à la hauteur de quatre pieds, est placé auprès de la nef, du côté de l'évangile. La flèche du clocher de l'église de Saint-Sauveur est d'une hauteur prodigieuse, et est admirée des connaisseurs. Le clergé des deux paroisses est nombreux, à cause des écoles de théologie, qui retiennent dans la ville une centaine d'ecclésiastiques étudiants. Le prieuré de Saint-Jacques appartient aux Trinitaires, et est desservi par un religieux de cet ordre.

Les jurisdictions qui s'exercent à Dinan sont en grand nombre, savoir : la Cour royale; le Colombier-Lanvallai, haute-justice, à M. de Saint Pern; la Garais-Comté, haute-justice, à M. de Pontbriand; Kergorlai, haute-justice, à M. du Bois-de-la-Motte; la Nouée, haute-justice, aux chevaliers de Malte; le prieuré de Saint-Malo de Dinan. haute-justice, à M. Nouail ; les prieurés de Saint-Sauveur et de Léhon , hautes-justices, aux Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur; Tressaint, haute-justice, à M. de Miniac; Herviaix, moyenne-justice, à M. de Baudran ; la Trinité, moyenne-justice, à la fabrique de Saint-Sauveur. La jurisdiction du Bois-Riou, à Mme de Couessin, s'exerce dans le faubourg des Roiries. 

L'époque de la fondation de Dinan nous est inconnue; les savants ne s'accordent pas sur ce point, quoiqu'ils conviennent tous que c'est une des plus anciennes cités de la Bretagne. Duchêne, dans ses Recherches, dit, d'après quelques auteurs, qu'un peuple grossier et sauvage, vêtu de peaux d'animaux, et qui vivait des fruits de certains arbres dont il ne dit pas le nom, bâtit, environ 500 ans avant l'ère chrétienne, ou l'an 253 de la fondation de Rome, une ville an milieu de la forêt de Faigne; que cette ville fut détruite par les Flamands et autres peuples, qui égorgèrent une partie de ses habitants, et que ceux qui échappèrent an carnage en rebâtirent une autre sur les ruines de la première; qu'ils lui donnèrent le nom de Diane, déesse des forêts, et que c'est celle que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de Dinan. Ce récit, qui n'est appuyé d'aucunes preuves, nous paraît absolument fabuleux et inventé à plaisir, et la raison ne veut pas qu'on s'y arrête. D'autres, fondés sur des raisons plus plausibles, ont cru que Dinan pouvait bien être le Nudionum ou Noiodunun de la table de Peutinger, et la capitale des Diablintes. Sans donner cette opinion pour une vérité incontestable, nous pensons et il est très - probable que si Dinan n'était pas la capitale des Diablintes ou Diaulites de César, c'était au moins une de leurs cités, puisqu'elle est située dans le canton occupé par ce peuple. (Voy. la dissertation, p. 80, de notre Abrégé de l'histoire) (1). Quelques-uns prétendent que cette ville fut jadis située dans un lieu aujourd'hui nommé le Saint-Esprit, un peu au-dessus des fourches patibulaires qui désignent la justice royale, à un fort quart de lieue de la ville. Cette présomption n'est appuyée d'aucun titre, et, pour la détruire, il me suffirait de remarquer que, depuis plus de cinq siècles, la ville de Dinan existe certainement où elle est. On ne voit au lieu du Saint-Esprit que les vestiges d'un ancien village, et un très-petit nombre de maisons. Rien, au reste, n'annonce les ruines d'une ville quelconque, de la translation de laquelle l'histoire nous aurait apparemment instruit. La position avantageuse de Dinan en a toujours fait une place importante. Ses murs, autrefois très-forts et construits à l'antique, avaient des doubles murs voûtés, et au-dessus un espace suffisant pour placer des canons. Ils étaient si épais, qu'on aurait pu rouler, sur leur couronnement, une voiture à quatre roues. Le château, qui n'est pas moins fortifié, est à l'extrémité des murs, à l'opposite de la mer. Au sommet des murs et des tours de cette place, on aperçoit encore les meurtrières dont on se servait avant l'invention des canons autour des murs; on voit, par intervalles, de grosses tours dont quelques-unes sont ruinées et ne servent à rien. Parmi celles qui subsistent et qui peuvent faire juger de la force des autres, dont il n'existe que la forme, il y en a trois qui servent, en temps de guerre, à renfermer les prisonniers. Le château est destiné au même usage, et les appartements qui sont à l'entrée servent de corps-de-garde à la troupe, ou aux habitants qui montent la garde à leur défaut. La dernière guerre, on y a vu près de trois mille prisonniers. Il y avait autrefois trois portes de ville, dont deux ont été démolies pour prévenir accident. Auprès de celle de Saint-Sébastien, on voit encore le fort bâti dans le temps de la Ligue. La ville de Dinan est encore aujourd'hui une des principales villes de la province, et la plus considérable de l'évéché de Saint-Malo. Elle est située sur une montagne escarpée de tous côtés, au bord de la rivière de Rance, qui a flux et reflux, et qui forme un demi-cercle aux pieds de ses murs, dans une vallée qu'elle remplit de ses eaux et rend inaccessible. On serait infini dans le détail des beautés qui environnent cette place; on dirait que ce sont les champs d'Eden. De quelque côté qu'on la considère elle-même, elle présente le plus brillant aspect, et elle mériterait, sans doute, une description particulière. Mais il faudrait être Buffon, pour peindre dignement les merveilles de la nature en ce lieu, et je me sens trop faible pour esquisser un tableau qui serait toujours fort au-dessous de la réalité, Les promenades de cette ville, embellies par les soins de M. du Clospinot [Duclos-Pinot], de l'Académie française, sont vastes et magnifiques (2). La place publique du Champ, une des plus belles du royaume, pourrait contenir huit mille hommes rangés de front (3). On y remarque une très-belle horloge dont l'édifice est aussi solide que hardi, et dont la cloche se fait entendre jusqu'à quatre lieues de distance. La place du Champ-Jacquet, moins spacieuse que la précédente, forme un très-beau carré long. La ville, bâtie à l'antique, commence à adopter le goût moderne dans la forme de ses bâtiments. Sous le commandement de M. le duc d'Aiguillon, on voulut faire raser les porches; mais ce seigneur céda à la justice des représentations des habitants, qui avaient pour défenseur M. le procureur du roi de la communauté de ville. Néanmoins, l'opinion de M. le duc d'Aiguillon prévalut; il ordonna qu'on n'y bâtirait plus, ni en saillies, ni en porches, mais seulement en ligne directe. Les officiers municipaux ont tellement senti l'avantage de ce nouveau plan, que, pour en faciliter l'exécution, ils ont fait abattre des maisons dont ils ont dédommagé les propriétaires des deniers communs de la ville; et il est arrêté qu'on ne pourra plus construire en porches, lorsque les maisons tomberont ou seront rebâties. L'enceinte de la ville est plus considérable que celle de Rennes (4); l'air y est pur et sain, et les vivres abondants. Malgré tous ces avantages, elle n'est pas extrêmement peuplée. Les églises, les cimetières qui sont très-vastes et qui devraient être hors de la ville, les jardins des particuliers, les enclos des maisons religieuses occupent des terrains précieux. Cependant, les pères jacobins ont fait des afféagements, et en augmentant, par ce moyen, leurs revenus, ils ont procuré quelques emplacements où l'on a construit, depuis quelques années, des maisons et des hôtels. Il est d'autant plus facile d'y bâtir, que les pierres de taille et de maçonne y sont très-communes et à très-bon compte, et la main-d'œuvre peu chère, quoique les ouvriers travaillent bien et solidement.

A un quart de lieue de la ville est située la fontaine des eaux minérales, ferrugineuses et vitrioliques, dont la salubrité est connue. Environnée de deux montagnes, elle n'était autrefois accessible que par un chemin étroit, raboteux et rapide, très-fatigant pour les malades. La communauté de ville de Dinan n'étant pas assez riche pour subvenir aux frais qu'exigeaient les travaux à faire pour rendre les avenues de la fontaine plus faciles, présenta, en 1762, une requête aux Etats, pour leur demander une somme de 5174 livres. Elle ne put rien obtenir en ce temps-là; mais, en 1767, l'Assemblée nationale s'empressa de contribuer au soulagement de l'humanité, en procurant aux bourgeois de Dinan les moyens de faire les travaux nécessaires. Le terrain fut aplani; la pente, auparavant si rapide, devint presque insensible, et l'on plaça par intervalles des sièges où peuvent se reposer les malades, lorsqu'ils se sentent fatigués. Le bâtiment où se logent les buveurs d'eau, quoique ridiculement fait, et ressemblant, dans sa forme, à un chaland de la rivière de Loire, réunit intérieurement toutes les commodités qu'on peut désirer. On peut y danser à l'aise deux contre-danses, et cent cinquante personnes peuvent s'y reposer. On a fait une allée, bordée d'arbres, où les buveurs peuvent se promener agréablement. La fontaine, couverte en pierres , est exactement fermée tout le temps où l'on ne boit point, et conservée dans la plus grande propreté.

Le passage de Dinan à Saint-Malo offre l'aspect le plus riant. Les belles maisons, les paysages charmants, les jardins bien décorés et artistement distribués, qui bordent la rivière de Rance, attachent partout l'œil du spectateur. Ce qu'on y voit avec le plus de plaisir est le Mont-Marin, construit parles soins du propriétaire, qui en est aussi l'ingénieur. (C'est M. Dubois-Magon.) Ce citoyen, à qui l'on ne peut refuser le titre d'homme de goût, y a répandu des beautés sans nombre. On n'admire pas moins ses jardins, qui pourraient être comparés, proportion gardée, à ceux des Tuileries et de Versailles.

Le commerce est assez actif à Dinan; il consiste en toiles de diverses qualités, fils crus [fils écrus], serges, cotons, gros draps, étamines, flanelles, lins, filasses, cuirs, blé, farine, bestiaux, fruits et cidre. Les foires y sont considérables; la principale est celle du Liège; elle commence le premier dimanche de Carême, et dure huit jours. On assure qu'il s'y vend pour plus de deux millions de toile et de fil, indépendamment des autres marchandises. II s'y tient encore quatre autres foires, qui sont : la foire de la Mi-Carême, la foire Verte, la foire de la Trinité, et celle de Saint-Gilles, le 1er septembre. Il n'y a par semaine qu'un marché, qui se tient le jeudi, à la place du Champ et au bureau des toiles, rue de la Lainerie. Presque tous les états, excepté les marchands de draps et les horlogers, forment jurande, sont assujettis à la maîtrise, et sujets aux divers statuts qui les dirigent. Les chirurgiens et les apothicaires forment deux corps distingués. Les faubourgs, qui sont considérables, sont occupés par des gens de métiers, et surtout des tisserands. Les toiles sont, sans contredit, la branche la plus étendue du commerce des Dinannais, et elle le serait encore davantage, si on sollicitait un règlement au Conseil pour perfectionner les ouvrages, et si on établissait dans cette ville un inspecteur pour examiner la qualité des toiles : l'inexécution des ordonnances royales ne peut que nuire au progrès de l'industrie.

Les quais de Dinan furent construits par le moyen de plusieurs sommes accordées par les Etats; mais l'ouvrage mal fait et non achevé mériterait une entière réfaction. Il faudrait aussi élargir les bords de la rivière de Rance des deux côtés, en certains endroits, pour faciliter de plus en plus la correspondance entre les villes de Saint-Malo et de Dinan; correspondance très-utile, très-nécessaire même au commerce et au bonheur des habitants de ces deux places. Par le moyen des bateaux qui partent continuellement de Dinan, on peut, pour six sols de frais, se rendre à Saint-Malo, y passer six heures, et revenir le même jour. Les barques les plus considérables qui voiturent les marchandises de l'une à l'autre de ces villes sont de cent trente à cent quarante tonneaux, et pourraient être d'un plus grand port si le lit de la rivière était travaillé. La ville de Dinan fournit au moins mille à douze cents marins et beaucoup de chirurgiens pour la marine marchande. Cette ville eut autrefois ses seigneurs particuliers, qui portaient le titre de vicomtes. La maison de Dinan était célèbre en Bretagne; elle a produit un maréchal du duché et plusieurs autres grands hommes. Selon les historiens, le fameux connétable Duguesclin était d'une branche cadette de cette illustre famille. La ville de Dinan fut, dans la suite, réunie au domaine ducal, et elle appartient aujourd'hui au roi; elle porte pour armes, de gueules à une croix ancrée d'argent, chargées de cinq hermines de sable. Le prieuré de Léhon, dans le faubourg de son nom, fut fondé, l'an 850, par Nominoë, roi de Bretagne (5). Ce prince ayant trouvé, dans cet endroit, six religieux qui y vivaient très-pauvrement, eut pitié de leur sort-Il leur donna de l'argent pour subsister et fournir à leurs besoins les plus pressants, avec promesse de les établir avantageusement s'ils pouvaient découvrir le corps de quelque saint. Sur cette assurance, un de ces moines se rendit à l'île de Jersey, où l'on avait inhumé saint Magloire, évêque de Dol, dont il apporta le corps à Dinan. Nominoë tint sa parole; il donna aux religieux le lieu nommé Lehon, des biens suffisants pour vivre indépendants des autres monastères, et un ancien édifice sur le haut de la montagne qui est au-dessus de ce faubourg, pour bâtir une église. Les riches dépouilles de cette maison furent plus que suffisantes pour bâtir l'église et le monastère, dont Nominoë donna le fonds à l'abbaye de Saint-Sauveur de Redon avant sa mort, arrivée en 851. Peu de temps après, le monastère fut soumis à l'abbaye de Saint Magloire de Paris, avec laquelle il eut, dans la suite, des démêlés sérieux, comme nous le dirons ci-après. De tous les seigneurs de Dinan, Hamon est le premier dont l'histoire fasse mention. Ce vicomte vivait en 1000, et était très-estimé de Geoffroi Ier, duc de Bretagne. L'an 1004, le château de Léhon, dont on voit encore les ruines à l'extrémité d'un des faubourgs de Dinan, fut assiégé par Alain Caignard, comte de Cornouailles; mais le duc de Bretagne lui en fit lever le siège, et l'obligea de se retirer sur les terres de son comté (6). En 1066, Olivier, vicomte de Dinan, fonda pour huit moines le prieuré de Saint-Malo de Dinan, dans un des faubourgs de ce nom. En 1108, ce monastère fut donné à Guillaume, abbé de Marmoutier, et à ses religieux, par Benoît, surnommé Judicaël, évêque d'Aleth ou Saint-Malo, l'an 1067. En 1080, le prieuré de Sainte-Marie-Madelaine, au Pont-sur-Rance, sous Dinan, fut fondé par Geoffroi Ier, vicomte de Dinan, et Orio, son épouse, qui le donnèrent ensuite au frère Guillaume de Dol, leur proche parent, abbé de Saint-Florent de Saumur. Depuis ce temps, ce prieuré a toujours dépendu de cette abbaye. Il y a une haute justice qui s'exerce au même lieu. En 1093, le corps de saint Magloire, déposé dans le prieuré de Léhon, fut porté dans l'abbaye de son nom à Paris, pour le dérober aux mains sacrilèges des Normands qui ravageaient alors la Bretagne. En 1124, Donoald, évêque de Saint-Malo, confirme la possession de l'église de Saint-Malo de Dinan aux moines de Marmoutier (7). L'an 1182, il y eut une contestation entre les moines du prieuré de Léhon , dans un des faubourgs de la même ville de Dinan, et l'abbaye de Saint-Magloire. Les moines de Léhon voulaient se donner un abbé; ceux de Saint-Magloire s'y opposaient, disant que Léhon n'avait jamais été qu'un prieuré dépendant de leur abbaye. Les choses en vinrent au point qu'on désespéra de réconcilier les deux maisons. On chercha donc et on trouva un expédient pour les séparer. Le prieuré de Léhon fut soumis à l'abbaye de Marmoutier, qui donna en échange à celle de Saint-Magloire les prieurés de Versailles, de Chaumont et de Chaliser. On fut redevable de la sagesse de cet arrangement à l'archevêque de Tours, à l'évêque de Chartres et à l'abbé de Saint-Germain des Prés, commissaires nommés par le pape pour terminer cette affaire. Henri II, roi d'Angleterre, en qualité de tuteur de Geoffroi, son fils, duc de Bretagne, confirma, en 1182, le jugement des prélats; et, par ses lettres-patentes de la même année, il ordonna à ses sénéchaux et baillis de tenir la main à l'exécution de la sentence prononcée par les arbitres. L'année suivante, les moines de Léhon promirent des bénéfices non vacants. Ces promesses indiscrètes leur attirèrent une excommunication. Ils eurent recours au pape et obtinrent l'absolution , moyennant une rétractation accompagnée d'une promesse formelle d'être plus sages à l'avenir.

Coëtquen

L'an 1168, Henri II, roi d'Angleterre, assiégea et prit le château de Léhon, où il exerça les plus grandes cruautés. Il fit piller et brûler par ses soldats le faubourg de Léhon, dans lequel il n'épargna que le prieuré, qui ne souffrit pas le moindre dommage. En 1169, par accord fait entre Louis-le-Jeune, roi de France, et Henri II, roi d'Angleterre, le château de Léhon fut démoli : il était situé sur un coteau fort élevé, au bord de la rivière de Rance, à un quart de lieue de Dinan (8).  Il paraît qu'il fut rebâti dans la suite, puisque l'on voit, dans les titres du château de Nantes, une obligation de l'an 1402, par laquelle Raoul, sieur de Coëtquen, chevalier, s'oblige de garder le château de Léhon pour le duc Jean V.  On n'en voit aujourd'hui que les ruines.

L'an 1186, Alain, vicomte de Dinan, accorda aux moines du prieuré de Léhon le droit de prendre chaque jour de l'année, dans les bois de la Haye, situés aux environs de Dinan, une charge de cheval. Ce vicomte, guerrier célèbre, mourut l'an 1198. En 1187, dans le concile tenu cette année dans le couvent de Marmoutier, furent terminés tous les différents qui s'étaient élevés entre l'évêque de Saint-Malo et l'abbé de Marmoutier. Les commissaires-juges, qui furent nommés par le pape, étaient Thébaud de Quimper, et Jean , archiprêtre de Tours; les évêques de Rennes, Nantes et Vannes. Les abbés de Saint-Melaine de Redon, de Saint-Jacques de Montfort, et de Saint-Pierre de Chartres offrirent leur médiation, et ne contribuèrent pas peu à terminer cette contestation scandaleuse. La première cause de la brouillerie était la translation du siège épiscopal d'Aleth à l'île d'Aaron ou Saint-Malo. Les moines de Marmoutier prétendaient que l'église de ce lieu, et le terrain qu'elle occupait, leur appartenaient (Voy. Saint-Malo); et l'évêque n'était pas dans la disposition de leur abandonner ce qu'ils demandaient. De là des plaintes, des mécontentements publics. Comme les moines de Marmoutier possédaient plusieurs églises dans l'évéché de Saint-Malo, ils refusèrent de reconnaître la jurisdiction du prélat diocésain, pour se venger de l'injustice prétendue qu'on leur avait faite. Des personnes amies de la paix avaient déjà moyenne un accommodement, mais il n'avait été d'aucune utilité. Les moines de Léhon avaient refusé de payer le droit de procuration au prélat; et les esprits, aigris de part et d'autre, menaçaient de se porter aux dernières extrémités, lorsque les juges et les médiateurs ci-dessus nommés calmèrent, par de sages ménagements, l'animosité des deux parties, et parvinrent à former un accommodement solide. Il fut convenu que le précédent traité serait confirmé; que Thébaud ou Théobalde, évêque élu de Saint-Malo, serait reçu processionnellement dans le prieuré de Léhon, dès qu'il jugerait à propos de s'y présenter après son sacre, et qu'il y jouirait du droit annuel de procuration, sans préjudice néanmoins de la pension de cinquante sous qui lui était accordée par le traité. Les choses ainsi réglées, l'évêque élu renonça, en faveur de Marmoutier, à tous les droits qu'il pouvait avoir sur l'église de Dinan et ses chapellenies, et sur les prieurés de Taden et d'Iffendic; il restitua à la même abbaye les églises d'Evran, de Brusvili et de Treveron, et confirma aux moines tout ce qu'ils possédaient dans son évêché. Ceux-ci lui assurèrent son droit de procuration dans l'église paroissale de Combourg; mais ils lui refusèrent le même droit dans le prieuré de ce même lieu, et soutinrent qu'il n'y pouvait légitimement prétendre. Les mêmes religieux renoncèrent, par cet accord, à leurs prétentions sur les églises de Sain!-Malo, de l'Isle, de Gaël, de Gomené, de Brignac, de Plouaret, de Tregranteuc et de Plouasne, sans pourtant abandonner les bénéfices qu'ils possédaient dans cette dernière paroisse.

En 1223, Gervaise, dame de Dinan, épouse Richard le Maréchal. Cette dame donne, l'an 1233, au prieuré de Léhon, l'église de Saint-Malo de Dinan, et prie l'archevêque de Tours de confirmer cette donation. L'acte qui nous a transmis ce fait peut être vrai; mais je crois qu'on pourrait le regarder comme faux. On a vu, ci-devant, que l'évêque de Saint-Malo avait donné la même église aux moines de Marmoutier, et que ceux-ci y avaient renoncé pur l'accord de 1187. Il est constant que celle église appartenait aux évêques, puisqu'ils en disposaient; tandis que l'acte dont je parle suppose qu'elle dépendait, en 1233, de la dame de Dinan. Il faut donc, ou que celle pièce soit fausse, ou que les seigneurs de Dinan aient acquis cette église de l'évêque, depuis 1187 jusqu'à 1233. — En 1224, le couvent des religieux Dominicains fut fondé par Alain de Lanvallay, à son retour de la Terre-Sainte. Ce seigneur donna à ces religieux, les premiers de leur ordre qui aient été établis en Bretagne, les biens dont ils jouissent encore. Il y en a qui pensent que c'est un seigneur de lu maison de Coëtquen qui a fondé cette maison. — Les Cordeliers de Dinan furent établis, l'an 1240, par Henri, baron d'Avaugour, qui leur donna sa maison (9). Au mois de janvier 1251, il fit bâtir l'église de ce couvent et lui donna le nom de Notre-Dame de Vertus, de l'ordre de Saint-François. Ce seigneur et son épouse, Marguerite du Maine, dame de Dinan, se plurent à combler de biens cette maison, pour laquelle ils avaient une affection singulière. Henri, de retour de la Palestine, où il avait suivi saint Louis, prit l'habit de l'ordre, avec lequel il mourut en cette maison, le 6 octobre 1281. Son corps fut inhumé sous une voûte de l'église, du côté de l'évangile, où l'on voit encore sa statue revêtue de l'habit de l'ordre de Saint-François. L'église de ce couvent fut nommée Notre-Dame de Vertus, à cause d'une image de Notre-Dame que le séraphique Bonaventure avait envoyée à cette nouvelle communauté. Cette image, qui est encore en grande vénération dans le pays, fut reçue par Geoffroi Botherel de Quintin et Hardouin de Tournemine, qui vivaient alors dans cette maison , qui a reçu plusieurs bienfaits des seigneurs de Rieux (10). — En 1264, Alain d'Avangour vendit au duc de Bretagne, Jean Ier, tous les droits qu'il avais dans la ville de Dinan et dans le faubourg de Léhon. — L'an 1273 , l'église des Pères Jacobins fut dédiée à Saint-Jacques, par Yves, évêque de Saint-Pol-de Léon. Ce prélat accorda quarante jours d'indulgences en mémoire de cette dédicace. — En 1275, Jean Ier, duc de Bretagne, acheta d'Alain d'Avangour, comte de Goello, la seigneurie de Dinan, qui fut réunie au domaine ducal (11). — Charles de Blois fonda, en 1342, la chapelle de Sainte-Catherine, et fit faire de grandes réparations aux monastères des pères Jacobins et des Cordeliers de cette ville, que la guerre avait en partie ruinés.

En 1344, la ville de Dinan est prise et brûlée par les Anglais. En 1358 on 1359, le duc de Lancastre, forcé de lever le siège de Rennes, va assiéger Dinan. Le gouverneur, qui n'avait pas assez de troupes, capitule et promet de se rendre si dans quinze jours, il n'est secouru. Pendant la trêve, Olivier, frère de Bertrand du Guesclin, sort de la ville et est fait prisonnier par Thomas de Cantorbie. Bertrand n'est pas plutôt instruit de cette nouvelle, qu'il accourt à Dinan, se rend chez le duc de Lancastre, auquel il se plaint de la mauvaise foi de Cantorbie. Celui-ci, qui était présent, défie Bertrand, qui accepte le combat. L'Anglais est vaincu, et Olivier mis en liberté. — Peu de temps après, le duc de Lancastre conclut un accommodement entre les comtes de Blois et de Montfort, et abandonne le siège de Dinan pour aller joindre Edouard, roi d'Angleterre, qui venait d'entrer en France avec une grande armée. En 1364, Jean IV s'empare de Dinan.

En 1366, Olivier Brecel et Tiennette, son épouse fondèrent l'aumônerie de Saint-Jacques et de Saint-Yves, près Dinan, et y attachèrent vingt-cinq livres de rente, pour l'entretien d'un religieux de l'ordre de Saint-Mathurin, qui devait recevoir et loger tous les pèlerins qui s'y seraient présentés.

Dom Lobineau, et quelques autres historiens de Bretagne, en parlant des miracles faits par l'invocation de Charles de Blois, qui fut tué, comme nous l'avons déjà dit, à la bataille d'Auray, en rapportent un particulier arrivé à Dinan. Jean IV, disent-ils, retourna à Dinan au commencement du mois de février 1368, et alla loger au couvent des Cordeliers. Il aperçut sur un des murs de l'église de ce monastère le portrait de Charles de Blois, qui s'était fait peindre à genoux devant saint François, avec une cotte d'armes de Bretagne. Jean IV ordonna aussitôt au gardien d'effacer ce portrait; et le religieux, n'osant résister aux ordres de son souverain, le fit blanchir, de sorte qu'on n'en voyait plus aucuns traits, lorsque quelques personnes aperçurent couler du sang qui sortait de cet endroit. Celle nouvelle, répandue dans la ville, attira une quantité prodigieuse de gens de toute espèce, au nombre desquels se trouvèrent plusieurs Anglais. Ces derniers, moins crédules que les autres, accusèrent les religieux d'avoir agi de ruse pour entretenir la superstition du peuple, et voulurent s'assurer du fait. Ils se firent apporter des échelles pour examiner de près la prétendue fourberie; ils touchèrent de leurs mains l'endroit ensanglanté et y donnèrent plusieurs coups de couteau; les uns, pour voir s'il n'y avait rien de caché sous l'enduit; les autres, pour insulter à la mémoire de Charles de Blois. Mais leurs recherches furent vaines, ou plutôt ne servirent qu'à confirmer ce prodige. — En 1373, Duguesclin assiège et prend la ville de Dinan, qui est encore assiégée et prise, en 1379, par Olivier de Clisson.

Bertrand Duguesclin, connétable de France, mourut au siège du château île Randan, le 13 juillet 1380; son corps fut inhumé à Saint-Denis, dans le tombeau de nos rois, et son cœur fut porté à Dinan , et mis dans l'église des pères Jacobins, auprès de Trephine de Raguenel, fille du comte de la Bellière, sa première femme (12). En 1469, deux pères Cordeliers, directeurs des religieuses de Sainte-Claire, de Nantes, obtinrent du duc François II la chapelle de Sainte-Catherine, de Dinan, pour y fonder un couvent de religieuses du même ordre. François écrivit en conséquence au pape Sixte IV, pour lui demander son agrément. Le frère Jean Sptir, chargé de porter cette lettre à Rome, obtint du Saint-Siège une bulle datée du mois de décembre 1480. Dès qu'il fut de retour, le duc acheta le terrain des environs de cette chapelle, et Jacques, sieur de Saint-Paul, donna aussi une maison et un jardin pour fonder cette communauté. Le 17 juin 1482. Jean de Coëtquen, grand-maître de Bretagne, et capitaine de la ville et château de Dinan, fut député par le duc pour poser la première pierre de cet édifice; le sénéchal plaça la seconde au nom de la ville, et François II fournit à toutes les dépenses. Quand le bâtiment fut fini, seize religieuses du couvent de Nantes partirent de cette ville le 26 novembre 1488, et se rendirent au nouveau monastère de Dinan, où fut élue pour première prieure sœur Catherine d'Ollo. que sa naissance, ses talents et sa vertu avaient rendue digne d'être élevée dans la maison de Rohan. Celle dame a été mise au rang des personnes illustres qui ont honoré la patrie. Les officiers et les bourgeois de Dinan vinrent à une lieue de leur ville au-devant de ces religieuses, qu'ils reçurent avec toute la joie possible; le lendemain, on les conduisit professionnellement dans toutes les églises, et ensuite à leur maison de Sainte-Catherine. Après qu'on eut lu la bulle du pape, les religieuses reçurent la bénédiction, et l'on remit a la prieure les clefs de la maison, où elles s'enfermèrent. — Au mois d'août 1488, le vicomte de Rohan. a la tête d'une partie de l'armée de Charles VIII, roi de France, qui était alors en Bretagne, marcha vers Dinan, et somma Amauri de la Moussaye, qui en était gouverneur, de lui rendre la place et de la soumettre au roi. Amauri obéit, et les habitants firent serment de fidélité au monarque. L'église paroissiale de Saint Mlalo de Dinan était anciennement hors de la ville, dans un des faubourgs; mais comme sa situation était préjudiciable, en ce qu'elle servait de forteresse à l'ennemi dans les temps de siège, on prit le parti de la démolir. Quelques années après, Jean, vicomte de Rohan, résolut de la faire bâtir dans l'enceinte de Dinan, et céda pour son emplacement quelques terrains qui lui appartenaient. On a toujours regardé depuis ce vicomte comme premier fondateur de cette église, qui fut bâtie le 11 juin 1489.

Le 14 septembre 1500 fut instituée la confrérie des prêtres de Dinan, en l'honneur de l'Assomption de la sainte Vierge, dans l'église de Saint-Sauveur. Cette confrérie a été approuvée plusieurs fois par différents évêques de Saint-Malo (13). Par édit du roi Charles IX, le 29 mars 1564, la jurisdiction royale de Jugon et celle du faubourg de la Madelaine, du pont de Dinan, furent transférées, unies et incorporées au siège royal de la même ville. Le monarque, accompagné de la reine sa mère, du duc d'Anjou, son frère, et de plusieurs grands seigneurs et dames de la cour, arriva à Dinan le mardi 23 mai 1570. Le lendemain 24, Sa Majesté s'embarqua pour se rendre à Saint-Malo. (Voy. Saint-Malo, année 1570.) L'an 1585, le roi Henri III livra Dinan, pour place de sûreté, au duc de Mercœur, qui y fit exercer la justice sous le nom du Présidial de Rennes, qui fut transféré dans cette ville. Ce duc fit battre monnaie, en fit même sa place d'armes, et y établit une forte garnison, commandée par de Saint-Laurent, seigneur du Bois de la Motte (14).

L'an 1597, le garde des poudres de Dinan laissa prendre le feu, par négligence, dans son magasin : l'explosion et la secousse furent si violentes, que l'église de Saint-Malo, qui en était voisine, en fut tout-à-fait ébranlée; quelques personnes furent écrasées sous les ruines de ce magasin. Le 2 du mois de mai de la même année, pendant l'absence de Saint-Laurent, gouverneur de Dinan, son lieutenant, voulant soumettre la ville à Henri IV, arbora le drapeau blanc; mais il ne put réussir. De Saint-Laurent, à son retour, soupçonna de cette trahison le seigneur de la Vallée de Pleumaudan et le fils du capitaine Rais, qu'il fit pendre par un soldat de sa garnison. Le duc de Mercœur, instruit de cette affaire, fut très-afïligé de la mort de ces gentilshommes, qui avaient été ses pages, et dit qu'après une telle perfidie, il ne savait plus en qui mettre sa confiance. Le 13 février 1598, les habitants de Dinan ouvrirent les portes de leur ville au maréchal de Brissac. Depuis long-temps ils étaient lassés delà domination du duc de Mercœur, parce que les officiers de ce prince les surchargeaient d'impôts, et tiraient des contributions exorbitantes des paroisses voisines. — Le couvent des pères capucins est situé dans le faubourg des Rouairies, sur le chemin de Jugon. Leur maison est belle : ils furent fondés l'an 1614, et les religieuses ursulines l'an 1615 (15). Dans le même temps furent fondées les religieuses de Sainte-Catherine, de l'ordre de Saint-Dominique. Elles occupèrent d'abord une maison dans la rue de la Haute-Voye (16), et furent transférées en 1660 dans la communauté qu'elles habitent. Leur ancienne demeure, qui a servi pendant très-long-temps de caserne aux troupes du roi, est maintenant occupée par différents particuliers (17). Lettres du roi des mois d'octobre 1624, juillet 1681, et autres arrêts de la cour sur icelles, portant règlement pour la maison et communauté de ville de Dinan.

« Dinan appartenait, en 1678, à l'évêque de Liège, qui consentit, après le traité de Nimègue, conclu la même année, que le roi Louis XIV mît une garnison dans le château. Mais la guerre ayant recommencé en 1688, le roi s'empara de la ville, et y fit faire un si grand «nombre de fortifications et de souterrains, que cette place devint une des plus fortes de la province (18).»

Au mois de juillet 1685, les habitants de Dinan obtinrent des lettres-patentes portant établissement dans la ville d'un hôpital général où les pauvres doivent être élevés, nourris, entretenus et employés aux ouvrages, manufactures et travaux dont ils seront jugés capables. L'an 1765, la communauté de ville obtint un arrêt du Conseil qui lui permettait d'emprunter une somme de 12,000 liv. pour la construction d'un quai. Arrêt du Conseil, du mois de mai 1770, portant suppression du papegault, à Dinan, comme dans plusieurs autres villes de Bretagne (19).

L'incendie qui détruisit, en 1746 on 1747, une partie de l'abbaye des religieuses bénédictines, a préparé l'extinction de cette maison. M. l'évêque actuel de Saint-Malo a fait passer le reste des religieuses en diverses communautés, où il leur paie pension, et a obtenu du roi leur maison pour y fonder un collège. Cet établissement a été annoncé à tous les recteurs du diocèse par une lettre de M. l'abbé Jacob, grand-vicaire de cet évêché : « M. notre évêque, dit cet ecclésiastique, a obtenu de Sa Majesté des lettres-patentes qui ont été enregistrées purement et simplement au Parlement de Bretagne. Les évêques de Saint-Malo sont déclarés, dans ces lettres, fondateurs et seuls administrateurs dudit collège. Le prélat vient de placer 25,000 liv. pour en commencer la fondation.....Il y aura deux professeurs de théologie, un de philosophie, une classe de rhétorique, et des professeurs pour chaque classe, jusqu'à la sixième inclusivement. On fera tout le possible pour établir une pension convenable aux vues des parents et aux besoins de leurs enfants..... La ville de Dinan, pénétrée de reconnaissance, a exigé et demandé avec empressement que le bienfait qu'elle reçoit annonçât à la postérité le nom de son bienfaiteur; et cette ville a forcé la modestie de M. l'évêque, en exigeant que l'illustre nom de des Laurents fût le nom de son collège, etc. » Cet établissement, consacré à la gloire des lettres, à la vertu et à la religion sainte que nous professons, n'est point du nombre de ceux qui ont tant fait crier les philosophes; son utilité lui assure l'approbation générale. L'illustre prélat qui en est le fondateur méritera les éloges de la postérité comme ceux de ses contemporains. Pieux, zélé pour ses devoirs, ami des sciences, il a cherché les moyens d'étendre les lumières dans son diocèse, et d'y ranimer l'amour de l'étude, qui paraissait s'y perdre, comme dans presque toute la Bretagne. Nos collèges, jadis nombreux, ne sont plus fréquentés : on néglige les sciences, parce qu'elles ne sont plus un chemin à la fortune. On ne voit plus dans nos écoles que quelques jeunes gens qui se consacrent à l'état ecclésiastique ou au barreau. Encore, comment font-ils leurs études? Avec la plus grande négligence, avec une rapidité qui leur permet à peine d'avoir la plus légère teinture des sciences; chez des particuliers, la plupart incapables d'enseigner; tandis que les écoles publiques, dirigées par d'habiles maîtres, sont abandonnées. Encore vingt ans, et nos prêtres ne sauront pas expliquer leur bréviaire. Dans quel siècle cependant eut-on un plus grand besoin de ministres éclairés ? Dans quel temps vit-on un plus grand nombre d'impies ? Aussi voyons-nous souvent le mensonge et l'erreur triompher de la vérité. Un esprit fort est bien à son aise, lorsqu'il rencontre un ecclésiastique qui ne peut lui répondre : son élégant verbiage, ses plaisanteries, ses objections futiles, mais entortillées, lui gagnent les suffrages; tandis que son adversaire, faute de connaissances, fait mépriser la vérité et la religion, qu'il ne sait pas défendre.

Ces considérations ont engagé M. l'évêque de Saint-Malo à fonder le collège de Dinan. Par ce bienfait, cette ville, qui est la seconde de son évêché, va prendre un nouvel éclat et égaler en quelque sorte celles de Vannes, Saint-Brieuc, etc. L'emplacement que doit occuper l'édifice est tout à fait commode, et sa situation est très-belle; la cour forme un carré si parfait, qu'on peut facilement bâtir ce collège à l'instar de celui de Nantes, et mettre les huit classes séparément. Au dessus de ces classes l'on pourra construire des chambres et de vastes dortoirs, pour loger les pensionnaires qui voudront suivre plus exactement le cours des études. Ces chambres seront très-commodes, très-propres, et capables de satisfaire également les enfants et les parents. M. l'abbé Dubreil de Pontbriant, vicaire-général de Saint-Malo, résidant à Dinan, a donné 10,000 livres pour la fondation de ce collège. Il aura la nomination de deux pensionnaires de la paroisse de Corseul, son pays natal (20).

Indépendamment de l'heureuse situation de Dinan, cette ville fut affligée de la peste, il y a moins d'un siècle; alors on fit placer hors ville un cimetière, qu'on appela le cimetière des pestiférés. C'est à cette époque que le corps politique se voua à S. Roch et se mit sous sa protection. En conséquence il se fait tous les ans, le jour de la fête du saint, une procession solennelle, qui est suivie d'une grand'messe qui se célèbre à l'autel de ce patron des pestiférés, dans l'église de Saint-Sauveur. L'hôpital-général est administré par des directeurs et gouverné par les filles de Saint-Thomas de Villeneuve. L'église est commune à cette maison et à l'hôpital des Incurables, par le moyen d'une tribune; mais les malades des deux endroits ne se fréquentent pas, à raison de la contagion qui pourrait se communiquer. Les Etats se sont assemblés dix fois à Dinan, depuis 1352.

Extrait d'une lettre de M. Besné de la Hauteville, avocat au Parlement de Bretagne.

i......... Je crois devoir vous observer, Monsieur, pour l'honneur du pays qui m'a donné naissance, que la ville de Dinan, ma patrie, a produit dans ce siècle quelques hommes célèbres.

»1° M. Mahé de la Bourdonnaye , rival de M. Dupleix dans l'Inde. Il a fait lui-même son anagramme , la voici :

Sur moi la haine abonde.

» Ceux qui ont lu son histoire jugeront de la justesse de l'anagramme.

»2°M. Duclos-Pinot, historiographe de France et secrétaire perpétuel de l'Académie française, moins célèbre peut-être par ses ouvrages que par la beauté de son âme, l'humanité de son caractère et la plus scrupuleuse probité. MM. le cardinal de Bernis et Rousseau de Genève furent toujours ses amis. Le premier lui adressa une épître en vers; le second lui dédia son opéra du Devin du Village. M. de Voltaire lui a rendu justice, et M. Palissot en a parlé impartialement dans ses ouvrages. Ceux qui voudront connaître plus particulièrement ce citoyen, si cher à sa patrie, peuvent consulter le discours prononcé à l'Académie à l'occasion de sa mort. Mais nous ne devons pas oublier, pour la satisfaction de sa famille et de ses concitoyens qu'il descendait, par les femmes, de Christophe le Bigot, qualifié écuyer au Parlement de Bretagne en 1522. Philippe le Bigot, un de ses aïeux, eut pour parrain le fameux duc de Mercœur, en 1595. M. Duclos-Pinot, son père, époux de demoiselle Jeanne le Bigot, eut tout le soin possible de son éducation. Il a été maire de Dinan et a fait beaucoup de bien à cette ville. C'est par ses soins et ses ordres que les magnifiques promenades de Dinan ont été plantées. Nous n'en parlons qu'en passant. L'éloge de ses vertus pourrait remplir un volume entier. 

»3° M. Busson, commentateur du Dictionnaire de Médecine, aujourd'hui premier médecin de Mme la comtesse d'Artois.

» 4° Dom Jamin , religieux bénédictin, auteur des Pensées Théologiques, et d'un Traité des Scrupules, sous le titre de Placide a Maclovie.

»5° M. Potier de la Germondaye, avocat au Parlement de Bretagne, docteur ès-lois, substitut de M. le procureur général du roi, auteur d'un ouvrage intitulé Gouvernement des Paroisses. Cette ville donnera sans doute une liste plus nombreuse des hommes célèbres qu'elle a produits (21). »

L'affaire de Saint-Cast me fournit un trait favorable à l'un de mes amis :

« M. Blanchard, médecin (mort en 1768 à Dinan, sa patrie ), se rendit à Saint-Cast avec quelques jeunes gens qui voulurent l'accompagner. Il s'adressa au capitaine des grenadiers du régiment de Boulonais, et le pria de lui accorder la place de volontaire, avec la permission de se saisir du fusil et des armes du premier grenadier qui serait tué. A peine eut-il fait sa demande, qu'un des grenadiers tombe à ses côtés. Il prend aussitôt les armes du mort, et combat courageusement pendant toute l'action. Les Français remportent la victoire, et mon ami revient chargé des dépouilles des Anglais.

«Aux Etats suivants, on s'intéressa pour lui procurer une pension de 200 liv., qui lui fut accordée; mais il la refusa généreusement, en disant qu'il était né pour servir sa patrie, et qu'il était trop heureux d'avoir contribué à la défaite des ennemis de l'Etat.

M. Damar du Bois-Gilbert, un des braves officiers de la frégate la Belle-Poule, qui a remporté la première victoire sous Louis XVI, est né à Dinan.

» Si j'avais plus long-temps habité ma patrie, j'aurais pu vous donner des instructions plus particulières; mais le peu de séjour que j'y ai fait ne m'a pas donné les moyens de la connaître. Tout ce que je puis dire, c'est que le pays est excellent, la société agréable, l'air salubre, etc.; que les habitants sont généralement propres aux sciences, et que ceux qui ont eu une éducation suivie ont développé des talents et acquis la plus juste considération.... L'amour de la patrie a des droits sur un citoyen, et je regrette de n'avoir pas des anecdotes plus avantageuses à vous communiquer (22). »




 

suite en préparation

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(1) L'origine du nom de Dinan a fort préoccupé les archéologues. Les uns ont vu dans cette ville la capitale des Diablintes, et l'ont appelée Noiodunum; les autres n'ont fait remonter son origine qu'au VIè siècle, et lui donnent pour nom Dionacum. Rien ne nous semblant vérifier ces deux assertions, nous avons cherché dans la langue celtique elle-même l'étymologie d'un mot que nous ne pouvons croire latin. Dun, qui signifie colline, et d'où a été fait le mot français dune, ou din, qui signifie ville fortifiée, sont les deux mots auxquels nous pouvons raisonnablement demander l'étymologie de Dinan; or, Dun nous paraît celui qu'il faut adopter. Cette hypothèse s'appuie au reste sur une autorité respectable : Cambden (p. 400, édit. de Londres, 1695, in-fol.), explique l'origine de Downham, ville du comté de Norfolck, par les mots saxons dun, colline, et ham, habitation. Dinan fut donc, selon nous, primitivement Dunhum, qui se prononçait dinham, et cette opinion est confirmée par le même savant auteur, qui regarde le nom de Dinants ou de Dinham comme étant une imitation de celui de Dinan dans la Bretagne armoricaine, et qui fait descendre de la maison de ce nom la famille anglaise de Dinham. Cette étymologie détruit complètement, ce nous semble, celle qui, s'appuyant sur le mot din, ne peut expliquer la terminaison an.

(2) M. Duclos fit niveler et planter la belle promenade dite les Fossés, en 1745. Son buste a été inauguré récemment sur cette promenade.

(3) Ceci est une véritable exagération, la place du Champ ayant a peine un hectare de superficie.

(4) Erreur matérielle : Dinan a 15 hectares de superficie bâtie, et Rennes en a 101.

(5) L'église abbatiale de Leéon était remarquable par la rosace de la grande fenêtre et les sculptures du chœur; mais l'architecture de cette église ne remontait certes pas au IXè siècle. Dans la chapelle qui tient encore X la nef principale sont les débris de pierres tumulaires qui appartiennent à la famille des Beaumanoir.

(6) En 1065, Dinan se rend à Harold, l'un des lieutenants de Guillaume-le-Conquérant.

(7) Cette église existait dans le faubourg dit de Saint Malo, et la donation primitive avait été faite eu 1108, par Benoît, évêque de Saint-Malo.

(8) On voit encore d'imposants débris du château de Léhon. On dit qu'il y avait au milieu un puits qui a fut comblé et qui était remarquable par sa largeur et sa profondeur.

(9) Le tombeau de Tréphine Raguenel, première femme de Duguesclin, était dans l'église de cette communauté.

(10 En 1258, Dinan fut incendié pendant la guerre des barons contre Jean Ier.

(11) On pense généralement que le château de Dinan fut fondé dans les premières années du XIVè siècle.

(12) Le cœur a été placé dans l'église Saint-Sauveur, le 9 juillet 1810.

(13) En 1500, Dinan fut érigée présidial, jurisdiction qui fut, en 1598, réorganisée à l'instar des autres présidiaux. En 1507, la duchesse Anne donna à la ville de Dinan la grosse cloche de l'horloge, ainsi qu'en fait foi l'inscription écrite sur le timbre de cette cloche.

(14 En 1589, le présidial de Rennes et la Cour des monnaies furent transférés à Dinan.

(15 Le bâtiment qui servait à la communauté des Ursulines a été, depuis quelques années, affecté à une manufacture de toiles à voiles. Il y a dans cet établissement une machine à vapeur à haute pression.

(16) Ces bâtiments sont occupés actuellement par l'hospice. Les archives de la communauté de Sainte-Catherine ont appris que l'architecte chargé de diriger les constructions, et qui se nommait Poussin , ne demanda pour ses honoraires qu'un denier de rente et une messe tous les ans. Cet architecte était de Dinan.

(17) En 1617 fut construit, ou du moins reconstruit, le clocher de Saint-Sauveur, car cette date se voit sous la corniche, aux deux côtés orient et occident.

In 1640, on commença la tranchée de la Courbure; mais ces travaux furent interrompus par suite des réclamations des habitans du Pont, qui craignaient que la rapidité des eaux ne vînt nuire à leurs maisons.

En 1675, les Etats de Bretagne se tinrent à Dinan.

(18) Tout ce passage, que nous avons guillemeté, est une erreur matérielle; il s'applique à Dînant, dans les Pays-Bas, et non a Dinan en Bretagne.

(19) Le 25 juillet 1739, la pompe établie à la porte de l'hôpital donna de l'eau pour la première fois. En 1741, une épidémie désola la ville et fit périr un grand nombre d'habitants.

(20) Peu après la première révolution, ces bâtiments sont devenus propriété de la ville, en vertu du décret du 5 vendémiaire an XIII, et à condition d'y entretenir un collège.

(21) M. de la Hauteville n'a pas rencontré juste. Les habitants de Dinan ne nous ont rien fait passer, quoique nous les en ayons priés. Nous faisons cette observation, afin qu'ils n'aient point à se plaindre des omissions que nous avons pu faire dans l'histoire de leur ville.(Note de ta Ière édition).;

(22) Ogée interrompt ici la chronologie des événements principaux; nous la continuons : En 1750 , le comte de la Garaye fonde la maison des Filles de la Sagesse. (Voy. Taden.) — En 1754, les Etats votent 12,000 livres pour fonder un quai au côté orient du port. — En 1765, la communauté est autorisée a emprunter 12,000 livres pour le même objet. — En 1770, arrêt du Conseil qui supprime le papegault.

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