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Deuxième partie

 

3. Analyses et commentaires des textes

            

           L'aqueduc romain de Carhaix.

             On s'est souvent posé la question de savoir pourquoi une ville aux dimensions d'apparence modestes comme Carhaix avait nécessité la construction d'un aqueduc pour son alimentation en eau potable, alors que le pays environnant ne manque pas d'eau de toute évidence et que les fouilles archéologiques confirment la présence de puits sur le site de Carhaix lui-même. C'est oublier tout simplement que Carhaix, qui est une création purement romaine, se devait d'être la représentation locale de la grandeur et de la civilisation romaine. Les propos de Julius Frontinus sont parfaitement clairs et sont là pour nous rappeler un principe fondamental :

 

" ... ils (les aqueducs) sont l'un des principaux signes de la grandeur de l'Empire Romain." (1)

 

            L'existence d'un ouvrage maçonné remontant à l'époque romaine et servant d'adduction d'eau à la ville de Carhaix avait été mise en évidence dès le XVIIIè siècle par Christophe-Paul de Robien, en 1756, puis par La Tour d'Auvergne, en 1778. Des discussions, plus proches de l'empoignade que de la courtoisie, ont été échangées ensuite entre Jacques Cambry et le Chevalier de Fréminville. (2)

            En 1900, l'abbé Louis Rolland publiait dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère un mémoire sur l'aqueduc romain de Carhaix. Mais bien qu'à cette époque, il fût plus facile de retrouver des éléments de l'ouvrage, il ne put en établir un tracé correct et le mystère resta quasi entier (3). L'abbé Rolland désignait la source de Coat ar Scaon, en la commune de Paule comme principale émissaire de l'aqueduc. C'est cette thèse qui figure dans les publications de Louis Pape et dans la plaquette publiée par la Ville de Carhaix en 1987. (4)

            C'est pourtant à Émile Guyomard que nous devons le travail de recherche et de synthèse le plus complet concernant l'aqueduc gallo-romain de Carhaix. Ingénieur divisionnaire des Travaux Publics de l'État pendant sa période d'activité, il a consacré sa retraite à l'étude de cet aqueduc, sa source, son tracé, son débit, ses profils. Bien entendu, il ne nous appartient pas de refaire ici sa démonstration. Nous allons en donner les traits essentiels. (5)

            Tout d'abord, Émile Guyomard se démarque de l'abbé Rolland en abandonnant l'idée que la source principale était celle de Coat ar Scaon au profit de celle de Saint-Symphorien, voisine de quelques centaines de mètres seulement et toujours sur la commune de Paule, ceci pour des raisons de débit et pour tenir compte du fait que c'est la seule source qui soit toujours restée intarissable, en particulier lors de grandes sécheresses comme celle de 1976.

            Il place le départ de l'ouvrage maçonné de l'aqueduc à Meinguen / Trémalvézan, au confluent des ruisseaux de Glomel et de Kerlevraz (c'est-à-dire de Saint-Symphorien). Il en donne ensuite le tracé, compliqué et sinueux, d'une longueur de 22 km environ, qui aboutit à Carhaix du côté est de la ville.

            Plus récemment, les travaux de fouilles archéologiques de l'aqueduc gallo-romain de Carhaix ont été confiés à Mr Provost, archéologue oeuvrant pour le compte de la Région de Bretagne. A part quelques mises au point très localisées, le travail reprend le tracé d'Émile Guyomard. Il reste désormais à étudier le secteur entre Trémalvezan / Meinguen et la source principale d'alimentation. Quoi qu'il en soit, là aussi c'est la source de Saint-Symphorien qui semble être désignée.

            De l'aveu même de l'archéologue, cette source devait, par son importance, faire l'objet d'un culte particulier à l'époque de l'Empire. L'existence historiquement et archéologiquement prouvée d'une chapelle à l'endroit précis de la source en est pour lui une confirmation. (6)

            Enfin, j'ai moi-même appris au mois d'août 1995 de la bouche même du propriétaire de la ferme de Brécillien, située plus bas dans le vallon, qu'il se souvenait parfaitement du caniveau de pierres bleues qui traversait son champ et qui avait été démonté compte tenu de la gêne qu'il occasionnait pour les travaux agricoles. Ainsi, par observations hydrologiques et archéologiques et par témoignage on ne peut plus direct, il est bien confirmé que le départ principal de l'aqueduc de Carhaix se trouve à la source de Saint-Symphorien.

            Le thème de cet aqueduc comporte un corollaire important qui doit être souligné ici. En effet, il est archéologiquement démontré que l'aqueduc a été construit à l'époque du Haut-empire, c'est-à-dire entre Auguste et Marc Aurèle. A cette époque, la province gauloise de laquelle dépend la cité des Osismes est la Lyonnaise, ou Gaule Chevelue (Gallia Comata), qui a Lugdunum / Lyon pour capitale. Or, la ville de Lyon, fondée de toutes pièces par les Romains, est placée sous la tutelle et la protection de la déesse Cybèle, sous son qualificatif Copia et qui est symboliquement la Mère de Rome. Comme les aqueducs représentent la grandeur de Rome comme il a été rappelé ci-dessus, il est logique aussi que leurs sources soient dédiées à Cybèle, la Mère. (7)

 

 

Schéma de l'aqueduc romain de Carhaix - Paule

d'après Émile GUYOMARD

Publié dans les Mémoires de l'année 1996, de la Société d'Émulation des Côtes d'Armor

Article CARHAIX et PAULE,  par JC Even

Les couleurs ont été ajoutées par JC Even : vert : St Symphorien, bleu : Bressillien; rouge : Carhaix; trait noir : l'aqueduc.

notes : Aqueduc

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