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Chapitre XI 

(j)

Installation de Bretons (Britto-Romains)

en Armorique

par décision impériale

La délimitation du territoire originel

Essai de datation

Argument : La Petite Bretagne d'Armorique

a été créée par des Bretons venus de l'Ile de Bretagne

en compagnie de Maxime.

 

L'implantation de militaires Bretons en Armorique.

L'énigme de Conan Mériadec.

            On a dit vraiment beaucoup de choses à propos de ce malheureux Conan, y compris qu'il n'était qu'un personnage de légende et de fiction. On a dit de lui à la fois tout et le contraire de tout. A certaines époques, il est de bon ton et très chic (up to date !) d'affirmer croire à l'existence de Conan (Mériadec); à d'autres époques, cela suffit largement pour être pris pour un crétin achevé ou un indécrottable imbécile, ce qui veut dire à peu près la même chose, et faire blêmir certains grands esprits ou supposés tels de l'Université. Au moment ou j'écris ces lignes, je n'ai pas encore eu connaissance que cette fièvre soit tombée.

            Voici ce que l'on disait de Conan Mériadec, dans l'édition de 1863 du Dictionnaire Universel d'Histoire et de Géographie, de M.N Bouillet :

            " CONAN, dit Mériadec ou Caradog, naquit dans la Grande Bretagne à la fin du IVème siècle, et passa dans les Gaules avec le tyran Maxime, dont il servit les intérêts. Il fut créé duc et gouverna pendant 26 ans, sous la dépendance des Romains, la partie de l'Armorique connue depuis sous le nom Bretagne. En 409, les Armoricains se soulevèrent, et déférèrent à Conan l'autorité souveraine. Il conserva le pouvoir jusqu'à sa mort (421), et le légua à ses descendants, qui furent depuis ducs de Bretagne".

            Quand on fait les calculs sur ces bases là, 409 - 426 = 383, on s'aperçoit que la nomination de Conan au rang de dux de Bretagne par Maxime aurait donc daté de 383, date de référence de l'épopée. Il y a là une confusion évidente entre la fonction militaire de Conan au sein de l'armée de Maxime, en 383, et sa possible nomination en tant que 'roi des Bretons d'Armorique', au plus tôt en 385. Mais la recherche doit aussi faire preuve d'indulgence.

            Cette version a été contestée de fond en combles sous le prétexte qui n'est d'ailleurs probablement pas entièrement faux que cette vie de Conan Mériadec aurait été arrangée pour trouver une origine princière à la famille bretonne des Rohan (45). A partir de ce moment là, les historiens de la fin du XIXè et ceux du début du XXè siècle ont rejeté le tout d'un bloc, y compris le fond et la forme, en affirmant haut et fort que tout cela n'était qu'un tissu de légendes, ou comme on le trouve même traduit en breton, nemet eur bern kontadennoù (seulement un tas de racontars), et ceci pour rester poli ! On est donc tombé d'un excès dans un excès inverse. 

            Joseph Chardronnet, en 1960, évoque bien Maxime, mais ne dit mot de Conan. 

            Le paroxysme est atteint en 1966, par l'abbé H. Poisson, dont l'oeuvre tient avant tout du prosélytisme pro-chrétien, puis en 1970 par Per Denez, dont l'ouvrage est censé faire de la pédagogie aux élèves des classes de 6è et de 5è, ouvrages qui ne disent mot de l'expédition de Maxime, et ne citent même pas le nom de celui-ci ni encore moins, bien entendu, celui de Conan Mériadec. 

            Jean Markale, pourtant habituellement si friand de légendes, trouve à dire, dans son 'épopée...' en 1971 "...qu'il n'y a rien, pour l'historicité de cette expédition, absolument rien en dehors du passage - d'ailleurs suspect- de Nennius". Et encore ne mentionne t'il même pas le nom de Cynan Meiriadawc; puis en 1983, dans son Roi Arthur, ce même auteur n'en dit plus un seul mot du tout ! Black-out total !

            Chose curieuse, la plupart de ces censeurs sont les premiers à affirmer qu'à la base de toute légende il y a une vérité historique. On aimerait bien alors un peu plus de cohérence dans les propos des gens qui sont capables de tels commentaires. (46)

            Malgré tout, rompant courageusement avec ce concert de pleureuses, dans ses Origines de la Bretagne, Léon Fleuriot a tout de même essayé de remettre la querelle à un niveau plus juste et plus élégant en réhabilitant, sans pour autant le faire sur un ton péremptoire, l'idée qu'un chef breton de la suite de Maxime aurait très bien pu s'appeler Kynan (47). En effet, que des hommes bretons insulaires aient porté ce nom de Kynan, on ne voit vraiment pas ce qu'il y aurait d'extraordinaire ni de surnaturel à cela. A cette époque, comme aujourd'hui, les gens qui portent le même prénom se comptent par milliers. Il est aisé aujourd'hui de feuilleter des listes généalogiques pour s'apercevoir que les homonymes y sont nombreux, même s'il n'y a aucun lien de parenté directe entre eux. Qu'il y ait eu des Kynan dans l'armée de Maxime paraît la chose la plus banale qui puisse être. La seule question que l'on doit essayer de résoudre est de savoir si l'un des chefs de cette armée s'appelait Kynan; un point c'est tout. Mais il est bien vrai qu'il s'est trouvé des gens pour contester aussi l'existence de Maxime !

            Subitement, à partir du moment où Léon Fleuriot avait dit cela, a t'on vu le cortège des courtisans ou de suivants se mettre à bêler et à clamer à nouveau qu'un Conan aurait très bien pu servir dans les troupes de Maxime ! Parmi ces néo-prosélytes admirateurs de Kynan, on trouve bien entendu des gens qui proclamaient haut et fort l'inverse peu de temps auparavant. (48)

            Quoi qu'il en soit, et ceci c'est moi qui le dis, il faut se rappeler que la décision de déplacer des unités militaires et de les installer ailleurs que sur leurs bases d'origine relève d'une autorité supérieure de l'administration politique et militaire, et que ces unités militaires ne peuvent agir que sous le commandement de chefs qui relèvent de cette autorité et qui ont des comptes à lui rendre. Il va de soi que l'unité bretonne avait un chef, lui même nommé par l'administration militaire supérieure. Que le commandement de cette unité britto-romaine ait été confiée à un Britto-romain, on ne voit pas ce qu'il y aurait de surnaturel à cela, surtout quand on nous dit que ce même Breton a prêté main forte à l'empereur et que l'on sait à plus forte raison qu'il est le beau-frère de ce dernier ! Les autres décisions du même type prises par tous les empereurs du Bas Empire sont autant de présomptions, sinon de preuves, qui tendent à conforter l'idée de la nomination possible d'un chef breton au commandement de cette unité bretonne.

            Ce chef pouvait-il s'appeler Kynan / Conan ? C'est là toute la question. 

            On ne peut le nier d'office puisque, comme plus d'un Français peut s'appeler Tartenpion et que plus d'un âne s'appelle Martin, plus d'un Breton de cette époque pouvait bien s'appeler Kynan. On ne peut d'avantage l'affirmer d'office puisqu'on n'en n'a pas de preuve formelle. Finalement, on aimerait bien savoir quelle a été la source de Geoffroy de Monmouth qui, comme je l'ai déjà dit et démontré à plusieurs reprises, n'a pas dit que des choses idiotes et incompréhensibles, pour peu qu'on fasse un minimum d'effort de le comprendre. (49)

            Enfin, le fait qu'on ait utilisé le terme de roi vis à vis de ce chef ne doit pas non plus pour autant nous causer des troubles métaphysiques. Tous les chefs de peuples de cette époque portaient le titre de roi = rex (y compris chez les Francs !), car ils avaient à la fois fonction civile et politique. Quand ils étaient en plus de cela responsables locaux militaires, ils avaient aussi le titre de comes / comte = représentant de l'Empereur. Et quand ils avaient aussi les responsabilités de chef militaire suprême dans une province, ils avaient en plus titre de dux. Certains d'entre eux n'ont été connus que pour une seule fonction. D'autres les ont cumulées toutes les trois. Ce fut le cas de Vortigern, un demi-siècle après Maxime (50). Aussi peut-on dire sans crainte que celui qui a été mis à la tête de ce groupe britto-romain en Gaule armoricaine à l'époque de la gloire de Maxime, du seul fait qu'il assumait lui aussi les trois fonctions, pouvait par conséquent être gratifié des trois titres : rex, comes, dux.

            Le choix des commentateurs modernes dépend surtout du côté politique où ils se trouvent. Un auteur compatriote breton comme Geoffroy de Monmouth a utilisé pour Conan le titre de roi. Plus tard, Grégoire de Tours, gallo-romain mais néanmoins panégyriste des rois francs qualifiera seulement de comtes ceux que les Bretons considéraient comme des rois. C'est de bonne guerre, et mieux vaut en sourire ! Il est dommage que l'objectivité de l'Histoire ait à en pâtir.

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notes du chapitre XI

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