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Les notes se trouvent en bas de page

 

             3. Deuxième expédition : Été 54 avant JC. (1)

            L'épopée de l'année 55 est loin d'être une réussite pour les Romains, et Jules César sait très bien qu'il ne peut pas, pour des raisons évidentes de stratégie aussi bien que de prestige personnel en rester sur ce qui ressemble de très près à un échec, quoiqu'on puisse en dire, au risque de voir les Gaulois s'en inspirer pour se soulever à leur tour et mettre en péril l'ensemble de ses conquêtes en Gaule.

            De plus, il vient de se faire un nouvel allié de tout premier choix : la discorde viscérale et incurable des peuples celtes à laquelle les Belges eux-mêmes n'échappent pas. Il la trouve en la personne de Mandubracios, jeune prince trinobante, dont le père a été il y a peu de temps tué par Cassivellaunos, roi des Catuvellauni. Mandubracios rejoint César sur le continent pour lui demander assistance et fournit à ce dernier tous les éléments utiles et nécessaires à une nouvelle expédition.

            Fort de ces précieux renseignements, Jules César établit ses nouveaux plans d'attaque. La nouvelle armée d'assaut est composée désormais de cinq légions, avec armes et bagages, auxquelles sont joints plus de deux mille cavaliers gaulois ralliés à César, soit un ensemble de plus de cinquante mille hommes (2). La flotte est constituée de six cent navires nouveaux construits spécialement pour les conditions maritimes océaniques, plus vingt huit navires de guerre. Si l'on ajoute à cela les navires des particuliers et des commerçants qui ne manquent jamais de suivre l'armée dans ses déplacements, ce sont environ huit cent navires qui prennent la mer vers le 20 Juillet 54 avant J.C, au coucher du soleil, et qui atteignent les côtes de la Bretagne le lendemain vers midi. (3)

            Le débarquement se fait cette fois ci sans problème, les Bretons ayant choisi de n'opposer aucune résistance à cette formidable armada. Ils ont en effet adopté une autre tactique de combat que celle de l'attaque frontale dans laquelle ils savent, par l'expérience de l'année passée, que les Romains sont les mieux organisés, les mieux équipés, et les plus forts.

            Ils disposent de point en point, échelonnés sur la route probable des envahisseurs, des groupes de guerriers chargés de faire la relève des combattants tués, blessés ou fatigués. De façon à attirer l'ennemi le plus loin possible de ses bases et à s'étirer au maximum, ils utilisent à nouveau pour leurs harcèlements les chariots de guerre, grâce à l'extrême maniabilité desquels ils peuvent se replier aussi rapidement qu'ils attaquent, en gardant même l'avantage sur l'éventuel poursuivant.

            A peine débarqué, Jules César se dirige vers les concentrations bretonnes avec l'équivalent de quatre légions, auxquelles ils joint 1300 cavaliers. Le reste de l'armée est chargé de la garde du camp et des vaisseaux.

            Après une marche forcée de nuit, les Romains font le contact avec les Bretons, le 22 Juillet, près de la rivière Stour (4), où ces derniers disposent d'une forteresse (5). Une violente bataille s'engage alors entre les belligérants, bataille qui dure toute la journée. En fin d'après midi, la technique militaire des Romains fait à nouveau des prouesses car, après avoir avancé une terrasse d'approche et formé la tortue, les soldats de la VIIè légion parviennent à pénétrer dans la forteresse et à en déloger les Bretons, en évitant cependant de les poursuivre trop loin.

            Le lendemain matin, alors qu'il a déjà remis son armée en marche, César reçoit un appel pressant de la garde du port : une tempête vient en effet de mettre à mal une grande partie de la flotte. Étrange répétition des faits, si l'on se souvient des conditions de l'année précédente. César se voit contraint par les éléments de rebrousser chemin afin de réparer les dégâts. Cela lui occasionne du même coup un retard de 10 jours que les Bretons mettent à profit pour regarnir leur forteresse, remise en état par les Romains eux-mêmes. Mais une fois de plus, cette position est reprise le 04 Août par les légionnaires romains sur les Bretons qui à nouveau se retirent sans pertes. Il s'en suit une série ininterrompue d'escarmouches, de pièges, d'attaques surprises, de guet-apens, aux cours desquels Bretons et Romains s'infligent mutuellement des pertes assez importantes.

            Progressivement cependant, du 05 au 11 Août, César parvient à conduire son armée jusqu'à la rivière Tamesa, qui sépare le Cantium du pays de Cassivellaunos. La traversée de la rivière se fait avec mille peines, car les Bretons ont planté un grand nombre de pieux acérés sur les berges et jusque dans le lit du fleuve, à fleurs d'eau et à peine visibles. Malgré cela, et malgré la défense acharnée des Bretons, les Romains parviennent à prendre pied sur l'autre rive. (6)

            Voyant Cassivellaunos en difficultés, les Trinovantes en profitent pour changer de camp et rejoindre Mandubracios qui se trouve avec l'armée romaine. Mais Cassivellaunos, en bon stratège, fait alors actionner le piège qu'il avait préparé, et met ses réserves en action en donnant l'ordre à quatre rois du Cantium d'attaquer le camp des bateaux de César. Les Romains, qui ne s'attendaient pas à cette manœuvre, se trouvent alors pris à revers sur leurs arrières, face à une situation imprévue, qui atteint la tragédie. A Rome, on commence à être extrêmement inquiet de cette situation, car on reste sans nouvelles de l'armée pendant près de 50 jours. (7)

            Sur le terrain, la bataille fait rage de tous côtés, et le pays est mis à feu et à sang. Petit à petit cependant, victimes des pillages, des dévastations, des massacres, aussi bien que des appels au ralliement de Mandubracios et de Commios l'Atrébate, les cités bretonnes cèdent tour à tour et se soumettent à César. Finalement, le 15 Août 54, la forteresse de Cassivellaunos tombe à son tour aux mains des Romains. A bout de forces, épuisé par les combats, délaissé et trahi par les siens, et considérant la ruine de son peuple, Cassivellaunos envoie des messagers à César pour lui présenter sa soumission. La guerre est finie. (8)

            César fixe alors le tribut que les Bretons devront payer chaque année à Rome, ainsi que le nombre des otages, et interdit à Cassivellaunos d'inquiéter à l'avenir Mandubracios et les Trinovantes, qu'il prend sous sa protection. Après quoi il se dépêche de rentrer en Gaule, de crainte d'avoir à subir comme l'année précédente les marées d'équinoxe. (9)

            En définitive, cette campagne aura duré deux mois et demi, et aura causé des pertes sérieuses aux Romains, en contre-partie d'une très théorique soumission des Bretons à Rome. Jules César quant à lui ne remettra jamais les pieds en Bretagne. (10)

Notes de la deuxième expédition de Jules César, à l'été 54 avant JC. 

1. La plupart des renseignements proviennent de César : BG, V.

2. L'armée de la deuxième expédition est composée des VIè, VIIè, Xè, XIè, et XIIè  légions auxquelles César ajoute plus de 1000 cavaliers gaulois. Le chiffre de 50000 hommes est considérable pour l'époque et démontre à quel point Jules César attache une importance extrême à la soumission de la Bretagne.

3. Chronologie selon Napoléon III.

4. Stour : rivière qui passe à Canterbury.

5. La forteresse bretonne dont il est question est sans nul doute le site de Bigbury, camp datant de l'âge de Fer, à 2,5km environ à l'ouest de Canterbury, en amont du confluent de la Stour avec l'un de ses ruisseaux de la rive gauche. Le camp de Bigbury est aujourd'hui une exploitation agricole.

Étymologie de Bigbury : anglais big = grande + bury = Burg = camp, forteresse.

6. Différents sites on été proposés pour le passage de la Tamise par l'armée de César. 

- L.A Constant propose Brentford, à l'ouest de Londres, au confluent de la Brent (Brentford : passage à gué de la rivière Brent). 

- J.Mac Donald propose le site de Westminster.

7. L'inquiétude à Rome nous est révélée par une lettre de Cicéron à Quintus (III.3.1):

        " Voilà cinquante jours passés sans que de vous, ni de César, ni même de vos parages, il soit venu une lettre ou un signe de vie."

idem, (III.I) : " Le II des calendes d'Octobre (16 septembre), arriva votre courrier : il a mis vingt jours en route; mon inquiétude était mortelle".

8. Plusieurs sites ont été proposés : Verulamium (Saint Alban's); Camulodunum (Colchester); Ravensburgh Castle; mais le texte trop imprécis de César n'a pas permis pour l'instant d'identifier réellement la forteresse de Cassivellaunos.

9. Les historiens s'accordent à penser que les Bretons ne durent pas payer ce tribut pendant très longtemps ... s'il n'a jamais été payé !

10. La conquête et la soumission de la Bretagne a été mise au rang des plus grandes oeuvres et victoires de Jules César, comme l'indique ce passage des Métamorphoses d'Ovide : 

        " ... César est un dieu dans sa propre ville ... Est-il, en effet, plus beau d'avoir dompté les Bretons défendus par la mer ...".

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